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Le journal de Pok
21 septembre 2019

"True Detective - Saison 3" de Nick Pizzolatto : la saison du quitte ou double

True Detective S3 poster

Après la déroute critique - un peu injustifiée, quand même - de la saison précédente, cette troisième saison d'une série sur laquelle des espoirs sans doute trop élevés avaient été placés avait tout l'air d'un quitte ou double pour Nic Pizzolatto. Choisissant de jouer la sécurité, Nic et son équipe sont donc retournés sur un territoire déjà largement balisé par leurs fameux débuts : disparition mystérieuse dans une atmosphère étouffante et couple de détectives, sans même parler d'une enquête qui se déroule sur trois temporalités différentes... peu de surprises cette fois ! Il suffit d'embaucher pour quelques épisodes un réalisateur talentueux et moderne, Jeremy Saulnier, qui conférera un style indéniable à la mise en scène, et un acteur oscarisé au goût du jour, le très talentueux Mahershala Ali, et le tour est joué. Sauf que l'on sait bien depuis la Rome Antique que "bis repetita non placent", et la série ne soulèvera cette fois encore qu'un intérêt poli de la part du public et de la critique. Alors, "True Detective", un soufflé qui n'arrive plus à monter ?

Les choses ne sont bien entendu pas aussi simples, et on a le droit de penser que cette troisième saison est une vraie réussite, même si elle a indiscutablement le "défaut" d'avancer à un rythme indolent - ce qui fait d'ailleurs son charme -, de manquer de moments spectaculaires (à l'exception d'un bref et implacable shoot-out à mi parcours), et de rester (courageusement) ancrée dans une sorte de banalité ordinaire qui tranche avec la démesure lovecraftienne de son modèle. Peu de raisons donc de s'exciter sur les réseaux sociaux, mais beaucoup de motifs de la chérir précieusement, cette saison qui s'attache avec grâce à l'humanité de ses personnages plutôt qu'à une énième histoire de serial killer diabolique.

Entre un couple mal assorti dont l'existence ne dépend que de la résolution / non-résolution d'une enquête, et une paire de détectives dont l'amitié est soumise à rude épreuve à travers plusieurs décennies de faux départs et de fausses conclusions, la balance du scénario penche largement du côté "humain", tandis que le fait que l'on sache dès le début que l'énigme ne sera pas résolue dans les deux premières "temporalités" de la narration (encore que...) a du décourager les amateurs de thrillers bien huilés. Pourtant, l'intelligence de la construction, avec une fluctuation permanente entre les trois temporalités (donnant lieu d'ailleurs à une très belle caractérisation du vieillissement des personnages) crée peu à peu un jeu troublant avec la mémoire et la compréhension du téléspectateur, qui se retrouve dans une situation similaire à celle du personnage principal affecté par Alzheimer, perdant régulièrement ses repères. C'est sans doute l'une des premières fois qu'un film (ou une série, mais on sait que chaque saison de "True Détective" est envisagée comme une oeuvre unique et indépendante) arrive à figurer par le pur jeu de sa mise en scène la confusion et l'angoisse où se retrouvent plongées les victimes de cette terrible maladie.

Il reste à parler de la conclusion, en forme de dédramatisation étonnante des enjeux habituels du thriller (ce n'était que ça ?) et de happy end bienveillant vis à vis de ses personnages qui auront vécu l'horreur mais à qui le scénario accorde le droit à un peu de bonheur tout simple, fragile certes, temporaire indiscutablement, mais réel. Loin de traduire un échec, la dernière confrontation évitée du fait d'une attaque de la maladie permet joliment à l'histoire de ne pas se conclure, et nous laisse, nous, les larmes aux yeux, éblouis par une saison qui a finalement déjoué tous ses préceptes de départ pour nous emmener un peu ailleurs, au côté de beaux personnages qu'on a aimé côtoyer.

Une très belle surprise.

 

 

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