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Le journal de Pok
2 septembre 2019

"Roubaix, une Lumière" de Arnaud Desplechin : ma ville, ma lumière...

Roubaix affiche

Je crois qu'on n'échappe jamais totalement à la ville dans laquelle on a été enfant, adolescent... Desplechin portait Roubaix en lui, et toutes ses frasques dans les milieux bobos / intellos parisiens, qui ont pu parfois nous irriter dans ses films les plus faibles, n'ont pas fait disparaître en lui cette vieille blessure chérie d'avoir grandi là-bas, et d'avoir été témoin de l'effondrement d'un monde que, forcément, il a aimé autant qu'il l'a (peut-être...) détesté. Je dis cela parce que je pense avoir les mêmes sentiments vis à vis de ma ville d'enfance, ville industrielle également, réduite aujourd'hui à des friches dans lesquelles un commerce globalisé prétend maintenir un semblant d'activité... mais sans fierté, bien entendu.

Pour obtenir des sous, Desplechin a sans doute raconté qu'il allait faire un polar, un polar réaliste dans la lignée des purges de Tavernier (le médiocre "L.627") ou de Maïwenn (le ridicule "Polisse"). Tout le monde a été surpris par l'incursion de l'artiste dans le film dit "de genre", puisque les gens ont la mémoire courte : son premier, et remarquable long-métrage, "La Sentinelle", n'était-il pas un "thriller d'espionnage" ? Heureusement, "Roubaix, une Lumière" n'est pas un polar, c'est juste une ballade généreuse dans une ville détruite, qui tente de donner à des êtres vivants, qui sont à peine des personnages, quelques minutes de fiction, comme une sorte de droit à l'existence dans notre société du spectacle.

L'amateur de thrillers s'ennuiera à mourir, et pestera sur la découverte un peu trop facile des "coupables" dans la seconde partie du film, simple prétexte pour offrir à Seydoux et Forestier l'occasion de nous briser le cœur, au fil de scènes remarquables de puissance émotionnelle. Cette seconde partie, sublimant la découverte patiente de vies brisées et d'êtres humains en pleine déroute - mais non sans fierté, justement - qui constitue la première partie du film, permet d'ailleurs à Desplechin de s'élever franchement au-dessus du lot des réalisateurs français.

S'il y a néanmoins une faiblesse, au moins de notre point de vue, dans "Roubaix, une Lumière", qui s'appelle d'ailleurs "Oh Mercy !" aux USA, c'est le recours systématique à une vision religieuse des choses, entre le jeune inspecteur prêtre défroqué qui n'a pas abandonné la foi et le désir de religion, et surtout la posture christique un tantinet irritante de Roschdy Zem, traversant les décombres des vies des autres (et de la sienne) en distribuant avec bienveillance pardon, sourires et encouragements.

C'est néanmoins peu de choses par rapport au magnifique respect, à l'empathie régulièrement bouleversante, dont "Roubaix, une Lumière" fait preuve vis à vis de ceux, chaque fois plus nombreux, qui peinent à survivre au milieu des décombres d'une société qui les a abandonnés et ne veut même pas les voir.

"Est-ce ainsi que les hommes meurent? / Et leur parfum, au loin, demeure." (Manset)

 

 

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