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Le journal de Pok
15 août 2019

"Boi" de Jorge M. Fontana : le charme de la pleine obscurité

Boi afficheIl faut reconnaître une chose, c’est qu’au milieu des tombereaux de « Net-flicks » destinés à une consommation automatique peu exigeante, il n’est pas si difficile de dénicher sur la plateforme des films plus singuliers, souvent œuvres de jeunes auteurs à qui l’on donne finalement une chance (relative, bien sûr) d’être vus par le plus grand nombre. C’est ainsi qu’on peut tomber sur ce Boi, première œuvre d‘un réalisateur espagnol débutant, Jorge M. Fontana, qui ambitionne clairement de traduire en film des visions poétiques, singulières, mais ancrées dans la banalité quotidienne… un peu à la manière des tous premiers Godard ou des meilleurs Wong Kar-Wai : deux références immenses, certainement étouffantes, surtout quand on se doit de préciser que le cinéma de Fontana n’a ni la foudroyante radicalité du premier, ni la merveilleuse élégance du second…

Pourtant, pourtant, une petite musique singulière se dégage de ce Boi, qui en fait un film plus intriguant que la moyenne : derrière la fausse barbe du thriller, qui trompera sans doute bien des adhérents à la plateforme cherchant la satisfaction immédiate dans cette pseudo-histoire de deux mystérieux Chinois entraînant un chauffeur de taxi bien naïf dans leur périple criminel au fil des rues d’une Barcelone nocturne, Fontana nous offre une ballade énigmatique, peut-être même, si l’on se sent  généreux, existentielle.

L’expérience du téléspectateur devant Boi s’apparente à un tour de montagnes russes programmées en vitesse réduite, le tout en pleine obscurité : on commence par une lente montée qui permet de se familiariser avec le personnage principal, jeune homme séduisant (Bernat Quintana, acteur débutant, est parfaitement classe, bravo !) dont la vie est devenue une galère infernale, entre la disparition de sa petite amie enceinte, l’autoritarisme pour le moins désagréable de son nouveau patron et les exigences de ses deux clients chinois ; et au moment  où l’on s’attend à une soudaine accélération alors que les pièces d’un puzzle mystérieux nous ont toutes été présentées dans le désordre, naît la déception de voir le film nous offrir une promenade languide, où rien ne fait plus vraiment sens, dans des ambiances quasi-lynchiennes (la scène assez réussie du restaurant / boîte de nuit…) ; un petit coup de stress quand les codes du film noir reprennent le dessus, mais pour pas grand-chose, et nous voilà de retour « à la réalité » sans que nous ayons bien compris comment diable nous en sommes revenus au point de départ. On pourra s’en irriter, on pourra aussi admettre qu’on a pris pas mal de plaisir au cours du trajet. Et qu’on ferait bien un second tour de manège avec cette étrange cliente française qui vient de monter dans le taxi de Boi…

Absurde, amusant, mystérieux, naïvement romantique (son happy end sentimental) et paradoxalement optimiste (le départ des Chinois), Boi a souvent des allures de film d’auteur français. Et ce n’est pas un défaut, loin de là, pour un petit premier film perdu sur la grande plateforme globale.

 

 

 

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