"Good Omens" de Neil Gaiman : all you need is love (love is all you need)...
Après l'adaptation assez discutable de son fameux "American Gods", Neil Gaiman s'est donc occupé lui-même de la série tirée de son livre "Good Omens" - coécrit avec Terry Pratchett... pour un résultat paradoxalement pas si différent, et pas forcement bien meilleur...
Comme toujours (?) chez Gaiman, on a affaire ici à un univers foisonnant de créatures plus ou moins mythologiques - enfin inspirées de la mythologie, ici les clichés chrétiens du Paradis et de l'Enfer -, qui se livrent une guerre largement larvée (ce qui évite heureusement de tomber dans les poncifs de l'Heroic Fantasy...) de manière plus ou moins visible pour les simples humains. Pourquoi pas ? Comme dans "American Gods", Gaiman multiplie les personnages au-delà de ce qu'il peut gérer, et ne s'intéresse pas plus que que ça à la cohérence de ses différents fils narratifs, qu'il résout systématiquement de manière invraisemblable... entraînant inévitablement un sentiment de "à quoi bon ?" ("WTF", comme on dit aujourd'hui...) : la manière profondément ridicule dont l'Apocalypse (encore !?) est ici évitée à quelques secondes près fera sans doute rager la majorité des téléspectateurs ayant attendu ce moment durant six très très longs épisodes et maints détours inutiles, ce qui est une fois encore une caractéristique du travail de Gaiman...
Pourtant, pourtant, "Good Omens" présente nombre de qualités profondément charmantes qui en font une série assez recommandable, la première étant sa franche "anglicité", avec ce mélange délicieux d'humour léger et d'absurde irrévérencieux, pas si loin finalement de ce que proposaient les Monty Python... même si l'on rira quand même moins franchement ici, ne nous mentons pas.
Gaiman offre en outre un panorama très "contemporain" de nos valeurs post-modernes, qui sont en conflit évident avec celles, traditionnelles, de la religion : relativité du Bien et du Mal (clairement interchangeables), féminisme militant, disparition du genre (avec de nombreux et remarquables personnages ni masculins, ni féminins), glorification de l'amour romantique, hétéro ou homo, comme seule voie de salut pour l'humanité, il y a dans "Good Omens" de quoi faire grincer les dents à Christine Boutin et aux ayatollahs de tous bords, et c'est tant mieux... Même si au final, tout cela relève ni plus ni moins d'un nouveau conformisme assez naïf, caressant le public "branché" et "moderne" dans le sens du poil.
Le plus beau dans cette série, en fait, culminant d'ailleurs dans un dernier épisode très réussi malgré le simplisme de sa résolution, c'est la générosité du jeu des acteurs, certes toujours plus ou moins dans l'emphase et l'histrionisme, qui déploient en permanence un charme, une énergie typiques de la meilleure comédie - excessivement théâtrale - anglaise. La très subtile - et parfois bouleversante malgré / à cause de ses non-dits - histoire d'amour entre Crowley (David Tennant, flamboyant et hilarant) et Aziraphale (Martin Sheen, inhibé et touchant) se révèle, avec beaucoup de pertinence, être le vrai centre de gravité de cette histoire par trop foisonnante : elle constitue la principale raison de suivre patiemment ces "Good Omens".