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Le journal de Pok
8 avril 2019

"The Lemming Experience" des Booze Brothers : alcool fort !

The Lemming Experience

Il faut bien admettre que la musique festive a mauvaise presse en France : peut-être par honte d'avoir un jour "dansé" au milieu des mirlitons une danse des canards particulièrement graveleuse, les gens de bon goût n'admettront jamais qu'ils ont, plus jeunes, pogoté dans la bière sur le "Thousands are Sailing" des Pogues, ou, pour les moins vieux, éructé avec Eugene de Gogol Bordello des chansons à boire ukrainiennes. Et si l'on aborde le sujet du folklore en France, c'est encore pire : mis à part quelques irréductibles séparatistes bretons qui dégobillent leur chouchen en braillant sur Alan Stivell (qui ?) ou des gauchistes occitans qui écrasent une larme en évoquant les jours glorieux des Fabulous Troubadors, il semblerait qu'on a toujours fait notre possible dans ce pays pour oublier qu'on a tous des racines, et que ces racines peuvent être vigoureuses... pourvu qu'on sache faire évoluer cette musqiue, la métisser avec d'autres genres, bref lui rendre sa pertinence...

Ce qui nous amène à ce groupe (encore) peu connu, les Booze Brothers, qui, en ce moment même en France, oui, oui, reprend le flambeau de Shane McGowan pour nous faire danser et picoler sur du folklore celtique (et plus, si affinités...) passé à la moulinette punk rock.

"The Lemming Experience" - beau titre pour une belle pochette, mettant en scène un suicide collectif (de banquiers ?) - débute très fort avec "Black & Tans", inspiré directement de classiques du folklore irlandais, qui dégage le même genre d'énergie folle et de jubilation incontrôlable que les premiers titres des Pogues. Mais on connaît la chanson : il ne s'agit pas de faire la fête béatement - non, ce n'est pas la "danse des canards", justement, il s'agit ici de crier sa rage, de chanter son désespoir. D'où, on le sait, la filiation évidente entre ces airs traditionnels et la hargne punk. Il y a finalement peu de vraie joie ici, mais l'expression d'une colère qui ne peut se faire qu'à travers une explosion "physique" libératrice.

Ce qui est particulièrement malin avec les Booze Brothers, c'est leur capacité à construire des ponts entre les genres, d'accepter le mélange des cultures - ce qui les rapproche dans leur démarche de Gogol Bordello, justement : il n'y a rien de mal à mettre de l'accordéon, du violon et des flûtes occitanes dans la martmite où bouillonne le jus qui se transformera en enivrante eau de vie. Et pourquoi ne pas se permettre un petit détour par le ska ("From Clare to Here") quand cette musique a été le symbole dans les années 80 de la lutte de la jeunesse anglaise contre le racisme et le National Front ? Et pourquoi ne pas faire revenir l'incontournable "Wild Rover" en le faisant passer par la Pologne et l'esprit slave ?

Ne seront choqués devant ce cocktail détonnant de rébellion et d'alcool fort que ceux qui ont oublié que notre Musique, le Rock, vient exactement de là, du folklore populaire, revu, actualisé pour qu'il illustre les justes colères et les sombres tristesses de notre époque. Refusons le suicide collectif qui semble être le seul horizon qu'on nous promette aujourd'hui, et écoutons les Booze Brothers, faisons la fête avec eux, avec de la joie et de la hargne plein le coeur...

 

 

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