"Alita : Batlle Angel" de Robert Rodriguez : une critique qui parle d'eau de rose, de chocolat et de petits chiens écrasés
La décision d'aller voir "Alita : Battle Angel" n'a pas été forcément facile à prendre. Du côté positif, le nom de James Cameron à l'origine du projet, un homme qui, n'en déplaise aux fâcheux qui trouvent toujours quelque chose à redire au succès, a construit sa drôle de carrière sur des propositions passionnantes et des ambitions - parfois extra-cinématographiques - forçant le respect. Et puis pas grand-chose d'autre. Car, à l'inverse, le nom de Robert Rodriguez, sinistre fabricant de navets risibles, ayant toujours survécu accroché comme une tique à des gens de talents (hier, Tarantino, aujourd'hui Cameron, donc…), fait office de repoussoir ultime. Sans parler de l'incapacité notoire des Américains à comprendre et adapter quelque manga que ce soit (pas de leur faute, l'égocentrisme américain rendant impossible la construction d'un pont, même branlant, au-dessus du gouffre culturel séparant US et Japon…). Et du fait que, honnêtement, je n'étais pas sûr d'avoir envie d'aller me rendre compte par moi-même de comment la technologie s'apprête à remplacer les acteurs dans les films, alors que la possibilité de rencontrer, ne serait-ce que pendant une paire d'heures, la vérité d'un autre être humain reste la principale raison d'aller d'avoir des films. Mais, bon, j'y suis allé : n'ayant pas (encore) lu "Gunnm", le manga d'origine, au moins j'allais m'épargner la torture d'une analyse comparée qui résulte immanquablement en une condamnation des responsables du film à une mort très longue, douloureuse et cruelle.
A ma très grande surprise, j'ai passé un très bon moment devant "Alita", même si ces deux heures m'ont paru aussi longues que si j'étais devant un film de Bela Tarr: je pense que, en une heure vingt, le film faisait le taf, en éliminant 80% des combats bruyants et soporifiques qui parsèment sa deuxième partie, en réduisant le nombre de personnages dont un grand nombre sont absolument inutiles (la divine Jennifer Connelly, par exemple, qu'il est bien douloureux de revoir ainsi transformée en potiche desséchée), et en évitant toute cette accumulation de péripéties finales qui ne servent qu'à introduire le (très probable) second épisode de cette nouvelle euh… "franchise". J'ai regretté de ne pas avoir réussi à dormir un peu, comme devant les films pour enfants auxquels j'accompagne ma fille : les affreuses lunettes 3D (on se demande bien pourquoi ce besoin de "relief", la profondeur de champ n'étant jamais vectrice de fiction ou de fascination comme c'était par exemple le cas dans "Avatar"), posées en équilibre précaire sur mes propres lorgnons, rendaient l'exercice de la sieste aléatoire.
Mais il y a deux choses que j'ai vraiment appréciées dans ce film, d'abord la romance à deux balles pour éternels adolescents entre la jolie cyborg aux yeux qui se mouillent et le gentil truand à la tronche d'enfant de douze ans : tous les deux avaient l'air si jeunes que je me suis demandé un instant si la pédophilie ne me guettait pas, mais heureusement, nulle scène de sexe à l'horizon, ce qui est logique puisque papa n'avait pas équipé de vagin le corps cybernétique de sa fifille adorée (faut pas déconner !). Bref, c'était juste ce que les nains de "Twilight" avaient lamentablement loupé, et que Cameron, le roi de l'eau de rose, réussit à tous les coups dans ses films : une belle, une très belle histoire d'amour entre deux êtres que tout sépare - les classes sociales dans "Titanic", les races dans "Avatar", l'eau dans "Abyss", bref, vous avez compris. Je me suis alors dit qu'il est dommage que Cameron soit devenu "King of the World", moins de succès commercial l'aurait conduit à une cinématographie encore plus passionnante dans le domaine pas assez respecté des romances sentimentales lacrymales.
Et puis, j'ai trouvé vraiment réussi l'aspect dystopique, la description de cette "Iron City" où l'on bosse dans la poussière et la promiscuité pour alimenter de biens matériels les riches qui se prélassent en flottant au dessus. On avait déjà vu la même chose, en plus frappant, dans "Elyseum", mais, curieusement, j'avais l'impression de me sentir bien à découvrir cette ville finalement assez chaleureuse, grouillante d'une humanité polyglotte qui donnerait des cauchemars à Marine : oui, je me serais bien vu y habiter quelques années pour faire connaissance avec cette culture fascinante, et aussi faire de la moto à une roue, ce qui m'aurait changé de mon scooter. Le seul truc, c'est qu'il aurait quand même fallu que j'emmène une réserve de chocolat Lindt parce que leur truc, là-bas, ça ressemblait un peu trop aux horreurs américaines de chez Hershey.
Et puis, ils ont commencé à se frapper, à se faire du mal, à tuer des petits chiens (avez-vous remarqué que l'on peut impunément montrer les yeux arrachés et le cerveau disséqué de Jennifer Connelly dans un film américain, mais pas un petit chien écrasé ? Intéressant, non ?), et moi j'ai eu envie de passer à autre chose.
Mais bon, tout ça pour dire que j'ai bien aimé. Même si je ne suis pas certain de devoir vous recommander ça, à vous tous, mes amis. Vous avez certainement des choses bien plus intéressantes à faire. So long, James !