"Bohemian Rhapsody" de Bryan Singer : No escape from reality !
Je n'aime pas Queen, ses hymnes pour stades qui ont l'impudence de vous phagocyter le cortex malgré vous. Je n'aime pas les biopics américains, avec leurs parcours calibrés - rise and fall, and then redemption - qui ont la paresse de considérer n'importe quelle vie comme de la chair à canon pour appâter le chaland. Je n'aime pas Bryan Singer, qui a construit toute sa pauvre réputation sur un seul film, son seul correct (qu'il n'est même pas besoin de nommer, n'est-ce pas ?) alors qu'il n'a aucun style reconnaissable ni aucun véritable "projet" cinématographique. Je n'aime pas Rami Malek, qui n'a pour lui que ses yeux globuleux et son air perdu pour jouer une unique fiction paranoïaque, et qui ne pourra jamais, au grand jamais ne serait-ce qu'évoquer - sans même parler d'incarner - la folie superbe de Freddy Mercury. Je n'aime pas qu'on traite le SIDA comme une simple péripétie, renvoyant qui plus est à une époque reculée, enjolivée par les obligatoires stéréotypes colorés. Je n'aime pas Live Aid, gigantesque escroquerie morale perpétrée par un système dégueulasse et construite sur la générosité naïve d'un Bob Geldoff qui voulait bien faire. Je n'aime pas que l'on traite de n'importe quel Art comme si le travail n'y avait pas sa place. Je n'aime pas la chanson "Bohemian Rhapsody", exemple parfait à mes yeux de faux génie clinquant et de poudre aux yeux (qui piquent...).
Mais, curieusement, je n'ai pas détesté le film "Bohemian Rhapsody", biopic sur Queen et Freddy Mercury, qui est signé par Singer (viré avant la fin, comme quoi il y a une justice...), qui est mal joué par Rami Malek, qui bâcle aussi bien le "sujet du SIDA" que celui de la composition musicale, et qui sacralise la musique de stades en recréant la fausse extase programmée de Live Aid. Je suis donc bel et bien l'un de ces "suckers" - comme disent les Anglo-saxons, à qui l'on fera sans problème gober à peu près n'importe quoi, moi qui me croyais tellement malin !