"Le Grand Bain" de Gilles Lellouche : The Deep End
Eh oui, à force de consacrer des films aux névroses féminines, et de les considérer (ces névroses...) - non sans une certaine misogynie - comme LE grand sujet de comédie, il était temps que quelqu'un s'essaie à pleurer sur nous, les hommes, avec nos vies foutues. Que cela soit Lellouche qui s'y colle, lui à qui on donne difficilement notre sympathie de cinéphiles raffinés, est une bonne surprise, et qu'il en tire un film correct,, presque excellent par instants, une autre, encore plus grande.
Fausse copie à la française de "The Full Monty" and Co., "le Grand Bain" utilise sournoisement les habits du "feel good movie" qu'il ne sera que dans sa dernière demi-heure pour peindre un portrait dévastateur de nos vies ravagées et de notre incapacité catastrophique à grandir. Grâce à une brochette à la fois savoureuse et répugnante d'acteurs qui nous ressemblent un peu trop pour notre confort (je parle bien entendu ici au nom des hommes...), acteurs qu'il contrôle superbement pour éviter toute dérive histrionique - même Poelvoorde est "sobre" - Lellouche nous plonge dans les profondeurs de la lose poisseuse et de la bêtise vaguement malodorante qui constitue notre alpha et notre oméga. Du coup, à force d'accumuler des drames banals, des dépressions vulgaires, des désespoirs ridicules, de les aligner comme à la parade (grotesque, la parade !), "le Grand Bain" nous ennuie parfois, nous écoeure un peu même, mais ce poids sur l'estomac fait clairement partie de la recette. Car Lellouche a compris - miracle ! - que, comme chez Wilder (immense chroniqueur de l'abjection sociale) ou chez Edwards (autre damné de la ridicule souffrance masculine) par exemple, les bonnes comédies naissent d'un trop plein de réalisme. Connaissant donc ses classiques, Lellouche fait ici en outre un usage peu "français" de l'ellipse, prouvant une fois de plus que les comédiens font très souvent de foutus metteurs en scène !
En l'état, avec au moins un quart d'heure en trop, "le Grand Bain" passe à côté du grand film qu'il aurait pu être, mais nous fait beaucoup, beaucoup rire, nous les hommes, en nous tendant d'une main assurée un miroir à peine déformant. Il nous fera en outre l'immense faveur d'aider nos compagnes à admettre que, nous non plus, nous n'allons pas bien.
PS : Katerine est un génie comique comme il est un génie musical.