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Le journal de Pok
3 novembre 2018

"L'Espoir malgré Tout - Première Partie de Emile Bravo : la traversée de Bruxelles

L espoir malgré tout 1

On n’a pas assez souvent ces derniers temps l’occasion de répéter notre amour absolu pour Spirou, l’un des plus beaux héros de la BD franco-belge classique… Spirou, qui a déjà vécu plusieurs vies (… même si la plus célèbre est logiquement celle menée sous la houlette du génial Franquin…) depuis sa création en 1938 par Rob-Vel… Spirou avec lequel nous avons à nouveau un rendez-vous… inespéré…

… car cela fait dix ans déjà qu’Emile Bravo nous a régalés avec la réussite enthousiasmante de son "Journal d’un Ingénu", qui, publié dans le cadre de la décevante série des "Spirou Vu par…", montrait combien un vrai auteur pouvait apporter au « mythe Spirou », à condition de ne pas avoir peur d’affronter certains tabous, et en particulier de confronter nos héros à une histoire qui leur était contemporaine, celle des prémisses de la seconde Guerre Mondiale. L’annonce d’une « suite » en quatre volumes publiés sur plus de 2 ans était donc un motif de se réjouir pour tous les fans de notre groom préféré, dont la seconde vie sous la plume de créateurs talentueux doit d’ailleurs compenser l’enlisement déprimant de la série principale.

Malheureusement, la première partie de "l’Espoir malgré tout", consacré à l’irruption de la guerre dans le petit royaume (neutre…) de Belgique ne se révèle pas tout-à-fait au niveau de nos attentes, certes déraisonnables ! Si l’on y retrouve le couple Spirou – Fantasio quelques mois après la conclusion du "Journal d’un Ingénu", quelque chose a profondément changé, et ce n’est pas seulement dû à l’approche de la Wehrmacht qui menace désormais la frontière belge : le brio et l’énergie de l’album précédent, l’inventivité aussi de Bravo qui nourrissait le mythe en en expliquant astucieusement les origines (l’uniforme de groom de Spirou, l’intelligence de Spip…) ont laissé place à une chronique teinte de grisaille de l’effondrement d’une ville, d’un pays, d’un continent dans les horreurs de la guerre, puis dans les bassesses de l’occupation, avec son cortège de trahisons et de lâchetés. Si Spirou se transforme face à l’adversité en ce personnage littéralement radieux que nous avons adoré – et adorons toujours – les fidèles de la BD seront inévitablement choqués par la noirceur de Fantasio, qui concentre toutes les tares de l’époque (et sans doute pas mal que notre époque présente également…) : arrivisme décomplexé, indifférence suprême quant au sort des autres, morale à géométrie variable… le tout à peine justifiable par une bêtise criante. Bravo s’égare sans doute trop loin de l’esprit original du personnage pour que l’on gobe facilement une telle mutation !

L’autre problème de ce premier volume, c’est qu’il lui manque un fil narratif qui serait purement fictionnel : Spirou et Fantasio se retrouvent ballotés au fil de l’Histoire qui s’écrit autour d’eux, et le récit s’attache pas à pas à leurs réactions aux événements catastrophiques qui s’accumulent. Pour une fois nullement moteur de l’histoire, Spirou en est réduit à offrir une sorte de perspective morale, sinon moralisante, un peu facile puisque ce point de vue systématiquement « actuel » sur cette époque difficile a le tort de négliger toute la complexité de la situation historique. Est-ce que L’espoir malgré tout est crédible du point de vue historique ? Rien n’est vraiment sûr, et l’intrication permanente entre des faits qui nous sont présentés implicitement comme réels et des actions de personnages de fiction, voire « de légende », prête à confusion, voire même à des amalgames simplificateurs : pour illustrer ce problème, prenons l’exemple du jeu auquel se livre Bravo avec le personnage mythique de Tintin, qui est franchement amusant, voire fascinant ; en contrepartie, l’épisode de la collaboration de Fantasio au journal « Le Soir », annexé par les envahisseurs, peut facilement passer pour un jugement sans appel des choix effectués par Hergé à la même époque.

Il nous reste donc à espérer que Bravo redressera la barre par la suite, car l’ambition de son projet mérite sans aucun doute le respect. On en saura plus dans quelques mois.

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