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Le journal de Pok
28 septembre 2018

"Motor Girl" de Terry Moore : rêve de singe

Motor GirlLe Comics US indépendant a, on le sait et on le déplore, une certaine difficulté à trouver sa place auprès du grand public français qui a désormais largement adhéré au courant "mainstream" des Super-héros. Le manque de reconnaissance d'un artiste aussi doué que Terry Moore, dont le graphisme très "ligne claire" le place dans la droite ligne du travail d'un Moebius, d'un Manara ou d'un Urasawa, est particulièrement rageant, mais on peut espérer que les choses changeront avec la publication par Delcourt de ce très bel objet qu'est l'intégrale de Motor Girl...

… Car, au-delà du graphisme impeccable de Moore, c'est l'intelligence aigüe de la narration et la force émotionnelle de Motor Girl qui en font une grande réussite du genre. Mêlant habilement réalité et imaginaire, présent et flashbacks (eux-mêmes tantôt réels, tantôt fantasmés, ou du moins distordus par les traumas physiques et mentaux de l'héroïne), Moore nous promène à travers une histoire absolument brillante. "Vet" revenant d'Irak en très mauvais état après avoir été victime de deux explosions successives, Samantha essaie de se remettre dans un coin perdu du désert du Nevada, en s'appuyant sur un ami imaginaire plutôt encombrant, puisqu'il s'agit d'un gorille de 2 mètres de haut. Sa rencontre avec des extra-terrestres - qui pullulent apparemment dans le coin ! - et avec une inquiétante organisation paramilitaire va la forcer à reconsidérer non seulement son avenir, mais également la réalité de son présent. En nous entraînant donc dans une aventure SF assez codifiée, mais traitée avec une étonnante légèreté et un humour constant, More nous berne habilement, jusqu'à faire ressurgir à mi-parcours les terribles souvenirs d'Irak, qui vont peu à peu apporter un éclairage différent à notre lecture. L'émotion est croissante, et ce qui nous paraissait un récit fantaisiste inconséquent se transforme en une saisissante épopée intérieure. Pour finir de manière tout bonnement bouleversante (sans même parler de l'élégante référence au Moby Dick de Melville, discrète mais particulièrement bien vue...), et nous donner envie de, sinon crier au chef d'œuvre, mais au moins de placer Motor Girl comme l'une des BDs les plus marquantes de l'année...

... et de replonger du coup dans le travail précédent de Terry Moore, ces Strangers in Paradise, Echo et Rachel Rising qui attendent bien plus de lecteurs français.

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