Je suis d'habitude suffisamment critique vis à vis des adaptations du personnage de Spirou par des auteurs modernes pour ne pas célébrer avec enthousiasme les rares réussites dans un genre aussi difficile. "Il s'appelait Ptirou" est sans aucun doute la plus belle œuvre de la série depuis le formidable "Journal d'un Ingénu" d'Emile Bravo : s'il s'agit à nouveau ici de revenir aux sources d'un personnage mythique de la BD franco-belge du XXème siècle, Yves Sente et Laurent Verron ont préféré nous raconter la genèse du personnage du groom roux, qu'ils situent lors de la rencontre (imaginaire, on suppose) entre son créateur Rob-Vel et un petit mousse du paquebot transatlantique Ile-de-France. Et nous voici partis dans une belle et sombre "histoire de l'Oncle Paul" (encore une mise en abyme, joliment pertinente par ailleurs) qui nous raconte, à nous petits enfants émerveillés, une grande histoire d'amour, de lutte des classes, de maladie et de mort lors d'une traversée mouvementée. Le dessin et la mise en couleurs sont une réussite, mais c'est l'histoire, complexe, poignante, très "adulte" puisqu'elle finira en tragédie (qu'on dissimulera pudiquement aux yeux des enfants...), qui soulève ici un enthousiasme quasiment sans réserve : quasiment, parce qu'on sent une certaine précipitation a avancer dans un récit qui aurait bien mérité une trentaine de pages de plus pour se déployer en toute majesté. Voici en tout cas un splendide hommage à l'un des plus beaux héros de la Bande Dessinée, qui se double d'un émouvant travail de mémoire vis à vis du prolétariat de la première moitié du XXème siècle qui n'avait que le droit de servir les puissants, et ce jusqu'à la mort.
12 janvier 2018
"Il s'appelait Ptirou" de Verron et Sente : devoir de mémoire
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