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Le journal de Pok
29 octobre 2017

Fishbach au Bataclan le vendredi 27 octobre

2017 10 27 Fishbach Bataclan (1)21h00 : le rideau rouge se lèvre (eh oui, cette fois, le rideau rouge du Bataclan a servi !) et l’obscurité est faite sur la scène. Un drone bourdonne dans le fond, les musiciens ne sont que des ombres. Flora Fischbach, dite Fishbach, des Ardennes, est derrière un clavier. Elle se lève, va au micro, un spot éclaire son visage : Tu Vas Vibrer ? C’est exactement ça, oui nous vibrons tous. La voix, la présence, l’intensité… un démarrage parfait. Théâtral certes, mais parfait. Derrière moi, une petite fan soupire : « Elle est ENOOORME !!! ». Et je dois dire que moi, aussi, le vieux dur à cuire, je suis assez estomaqué. Béton Mouillé, autre extrait du fameux premier EP datant de 2015, enfonce le clou. La fan chante à tue-tête, ivre de bonheur. C’est même un peu embêtant car elle couvre la voix de Flora, et c’est quand même elle que nous sommes venus écouter, non ?

Eternité : grande, grande chanson, avec sa catchline imparable : « Et tu parlais d’éternité / On a même pas fait la moitié ! ». Le groupe – sans batteur remplacé par une machine, je réalise – déploie ses ailes, mais tout de suite, on remarque que ce ne sont pas des ailes de géant, non ! Il manque quelque chose, et même si je suis toujours en faveur de l’adaptation des morceaux à la scène, là, le paradoxe, c’est qu’on perd et en puissance et en subtilité. Zut, après un départ à la verticale, voilà que la fusée Fishbach pique du nez !

2017 10 27 Fishbach Bataclan (74)On me dit Tu : l’une de mes chansons préférées de “A Ta Merci”, celle qui célèbre le plus intensément le pouvoir de la Mort, le thème central de l’album… et là encore, il ne se passe pas grand-chose. Flora se convulse, tressaute, agite les bras, impressionne, mais ne nous touche plus au cœur. Show-woman théâtrale, un peu à la manière d’une Florence + The Machine, si l’on veut, elle mime une intense vie intérieure, un malaise émotionnel permanent, dont peu à peu, au fur et à mesure que le concert avance, on met en doute la sincérité.

Ma Voie Lactée, A Ta Merci… les chansons de l’album s’enchaînent et la magie ne revient toujours pas. Il y a un quatuor à cordes sur la scène, pour pas grand-chose. Juste devant moi, le guitariste me rappelle par son look et son attitude les “garçons modernes” des années 80, les Taxi Girl, les Marquis de Sade : de bonnes références. Flora, avec sa guitare blanche, continue à se donner à fond, spectaculaire.

Flora allume une clope sur Boîte en Papier, qu’elle chante allongée sur le devant de la scène, au contact du premier rang - au centre, loin de moi qui suis sur la gauche -, pendant que les musiciens nous distribuent une boisson alcoolisée de couleur rose, peu reconnaissable, dans des petits gobelets en plastique : j’arrête au premier gobelet mais ma voisine la fan en prendra quatre de suite ! Je dois dire que c’est du jamais vu, fort sympathique en plus, mais que ce n’est pas ce genre d’intermède qui peut aider le set à monter en puissance, puisque pendant que Flora psalmodie, les spectateurs sont surtout occupés à picoler !

2017_10_27_Fishbach_Bataclan__88_Le concert reprend. Dans le fond de la scène, des stores, des lumières rasantes – pas idéales pour les photos -, une ambiance qui rappelle aussi les années 80, en écho aux sonorités électroniques de la musique de Fishbach. Le groupe continue à dévider l’album, avec des sonorités différentes, dans une grande mesure moins électroniques, plus rock. Flora se lance dans une danse avec sa bassiste, pourquoi pas ? Le public apprécie. Je me concentre, faute de mieux, sur les paroles des chansons, histoire de bien confirmer combien elles sont noires, étouffantes presque. Flora annonce une reprise amenée par son guitariste, une reprise de Lavilliers (Noooooooonnnn !) : ce sera Petit Monstre, un morceau très extrême, très cold wave comme on disait alors, un morceau déconstruit et abrasif, dans lequel on a du mal (ouf !) à reconnaître du Lavilliers.

Et puis Flora annonce : « Voilà la chanson que j’avais le plus envie de jouer, celle que j’avais le plus peur de jouer ! ». Et c’est Mortel, ce morceau emblématique de Fishbach (il figure et sur le EP de 2015, et sur “A Ta Merci”), dont la célèbre phrase : « Jamais rien vu d’aussi mortel de ces tirs au hasard » résonne en effet avec une profondeur inédite, blessante, au Bataclan. Ce sera sans doute le point culminant du set, parce que quelque chose de l’horreur que les chansons de Fishbach essaient de conjurer se matérialise. Que derrière la pose et l’intention, la chair tremble. Enfin.

Un Autre que Moi, tube imparable sur disque, est joué en version électrique et rock, mais paradoxalement, manque sa cible sous cette forme-là.

Le rappel sera terrible, mais dans le mauvais sens du terme : voilà une reprise variétoche ringarde de Salim Halali, le “Gilbert Bécaud arabe”, la Babouche ! C’est totalement hors sujet, c’est presque honteux tellement c’est gras et ridicule, mais évidemment le public adore ! Et oui, on est en France, et malgré tout, une bonne partie du public ce soir au Bataclan est bien le public de la “chanson française” (aaargh !). Quand le concert sera fini, après 1h20, et que les fans imploreront en vain le retour de Flora, certains réclameront même un bis de la Babouche ! Bon, il nous reste quelques minutes encore pour rattraper cette mauvaise impression : Y Crois-Tu fera presque l’affaire, parce que c’est quand Flora est presque seule, sans son groupe bancal, que l’émotion passe…

Bref, j’étais clairement venu ce soir avec des attentes trop élevées, Fishbach n’a pas (encore) le niveau pour vraiment faire passer sur scène de manière convaincante ses chansons débordantes d’ambition. Flora Fischbach est une jolie jeune femme qui chante bien et qui met généreusement en scène ses émotions – ses derniers mots d’au revoir au Bataclan trahiront l’intensité de ses sentiments -, mais elle n’est pas encore l’Artiste qu’on a cru entrevoir dans son album. Ce n’est pas grave, nous sommes patients…

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