Séance de rattrapage : "Un Petit Boulot" de Pascal Chaumeil
Si "Un Petit Boulot" est une jolie petite réussite en termes de cinéma populaire, une réussite comme le cinéma français n'en propose pas tant que cela, ce n'est pas parce que Pascal Chaumeil, mort après avoir terminé ce film, fait se rencontrer les Frères Coen avec Ken Loach, comme l'on dit les publicitaires qui ont vainement tenté d'attirer le public avec ce slogan maladroit. C'est parce que, au-delà de sa mise en scène indubitablement précise et efficace, il bénéficie du talent d'acteurs impeccables, qui jouent à la perfection ces personnages tellement réels (victimes de l'horreur économique, mais bien décidés à survivre, au prix de petits arrangements avec la morale) et pourtant suffisamment décalés pour que la fiction la plus farfelue puisse fleurir de manière crédible en eux et autour d'eux. Romain Duris nous rappelle ainsi qu'il est l'un des acteurs les plus justes de sa génération, maintenant que les années l'ont un peu assagi. Michel Blanc, qui a par ailleurs habilement adapté le polar anglo-saxon d'origine au contexte franco-belge du film, louche intelligemment vers un style qui rappellera Bernard Blier, et c'est évidemment un compliment. Le résultat est qu'on rit beaucoup, qu'on souffre pas mal aussi devant cette peinture lucide de vies sacrifiées, et qu'on prend un joli plaisir devant l'accumulation un peu prévisible de complications qui s'abattent sur notre apprenti tueur à gages. On regrettera néanmoins que le film préfère se terminer sur un pied de nez un peu cynique, plutôt que de tirer les conséquences a priori inévitables de sa fiction : en laissant ainsi en plan les prémisses d'une véritable tragédie qu'on voyait venir, il renonce quand même à une certaine profondeur qui aurait pu en faire un film vraiment mémorable.