"Narcos - Saison 1" de José Padilha, Doug Miro et Carlo Bernard : réalisme magique...
Après l'impressionnante réussite des deux "Tropa de Elite", on retrouve avec plaisir le duo Padilha - Moura à l'épicentre de la série Netflix "Narcos" consacrée à une reconstitution détaillée de la brillante carrière criminelle de Pablo Escobar à la fin du XXe siècle. Le ton de "Narcos" est quasi documentaire, ou en tout cas délibérément non-sensationnaliste, ce qui tranche agréablement avec les pratiques en usage dans l'univers sans pitié des séries TV : il s'agit ici de recruter et de fidéliser le chaland avec le récit obstiné de "la vérité", ou tout au moins ce que les Etats Unis, finalement vainqueurs du bras de fer avec le narcotrafiquant le plus riche et le plus puissant de l'histoire, pensent être la vérité... Et avouons-le, cette "vérité historique" est sufisamment énorme pour qu'en effet, on soit rapidement accro à son pouvoir addictif à elle, et que les 10 épisodes de cette première saison s'apparentent tout à fait à un rail de coke ! Wagner Moura cabotine un peu quand il s'agit de représenter les pétages de plomb de plus en plus sévères d'Escobar mais reste quand même joliment crédible en Colombien : c'est toujours un danger quand on utilise un acteur d'une autre nationalité, il y a d'ailleurs ça et là des acteurs latinos non Colombiens dont l'Espagnol passent beaucoup moins bien que celui de Moura, donc... chapeau ! La mise en scène est sèche, efficace et complètement en phase avec une narration classiquement au service des faits, et donc du projet général. On pourra quand même déplorer certains petits arrangements avec la vérité "connue", surtout au niveau de personnages rendus un peu trop "acceptables" pour le grand public : Escobar et sa famille étaient semble-t-il bien plus haïssables et abjects que leur représentation dans "Narcos", mais on peut comprendre que des portraits "à charge" auraient paradoxalement pu sembler trop manichéens ! On remarquera aussi que la série n'est pas tendre avec la politique de Reagan et avec les manipulations de la CIA, ce qui contribue à offrir un recul bien venu sur la situation colombienne, qui n'est pour une fois pas réduite aux habituels clichés vaguement racistes de circonstance. Bref, une oeuvre passionnante, pas forcément pour tous les goûts (on est loin ici des fables de Scorsese ou Coppola aux échos spirituels ou moraux...), dont on suivra avec intérêt la seconde saison.