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Le journal de Pok
25 novembre 2016

Pixies au Zénith (Paris) le mercredi 23 novembre 2016

2016 11 23 Pixies Zenith (3)Installation rapide du matériel des Pixies, et à 20h30 précise, Frank Black, Joey Santiago, David Lovering et… Paz Lenchantin (désormais remplaçante officielle et permanente de Kim Deal) déboulent avec… Where is My Mind?... soit quand même un début furieusement culoté, puisqu’il y a sans doute une partie raisonnable du Zénith – désormais comble – qui est venue avant tout pour entendre le seul tube (à mèche longue, le tube) des Pixies !  Frank semble avoir repris un peu de poids, même s’il est élégamment vêtu de noir, et il a des petites lunettes qui lui confèrent un air docte : pour le moment, son chant est… normal, dirons-nous, on va devoir attendre un peu pour entendre les fameux cris de goret égorgé, alternant avec les rugissements de fauve extra-terrestre. Joey paraît parfaitement normal, presque classe, et il est assez difficile d’imaginer que notre ami sort juste d’une cure de désintoxication, dont l’annonce en septembre dernier avait – légitimement - inquiété les nombreux fans des Pixies. David est l’habituel ”pilier” derrière ses fûts, l’homme ordinaire qui ne sortira de sa réserve, comme d’habitude, que pour chanter le jovial La La Love You, principal (seul ?) moment de légèreté dans un set qui visera la majeure partie du temps à l’incandescence. Quant à la petite nouvelle, l’Argentine Paz, elle est clairement complètement à sa place dans le groupe, aussi bien musicalement – excellents vocaux décalés et un peu faux, comme on les attend – qu’humainement : il semble en effet régner sur scène une sorte d’harmonie entre les musiciens, voire une bonne humeur qu’on n’avait jamais constatée auparavant… Même s’il ne faut clairement toujours pas espérer beaucoup d’exubérance… ni même le moindre mot envers le public durant l’heure et quarante minutes du set !

2016 11 23 Pixies Zenith (11)Bon, alors, une fois Where Is My Mind?... derrière nous, on peut se consacrer aux choses sérieuses : Frank Black fait monter doucement la pression – voir la belle reprise ”classique” du Winterlong de Neil Young – mais on débouche quand même très vite l’enivrante fiole aux élixirs à fort degré d’alcool : « You are the son of a… MOTHER FUCKER ! », tout le monde se retrouve à hurler sur l’épique Nimrod’s Son, et c’est le signe que j’attendais, qu’on attendait depuis l’improbable reformation en 2004 : les Pixies sont de retour. La guitare de l’impeccable Joey Santiago nous cisaille les nerfs et nous taraude les tympans – oui, ce soir, le son était FORT au Zénith -, et le gros Francis se remet à couiner au lieu de chanter. La pression dans mon dos augmente, là où quelques minutes plus tôt, on se plaignait presque d’être à un concert civilisé avec trop de vieux dans la salle. Car le fait d’être broyés contre la barrière par un public en furie, alors qu’on a la tête qui vibre et les oreilles qui vrombissent sous l’assaut sonique, c’est la vraie expérience Rock’n’Roll d’un set des Pixies, non ?

La setlist, forcément brillante, de plus de trente morceaux, enchaînés quasiment sans pause comme à la grande époque, jusqu’à l’épuisement sensoriel, est principalement centrée sur ”Doolittle” – joué en intégralité, me semble-t-il, y compris le merveilleux Tame avec cette hystérie qui fait basculer le morceau vers l’abandon total de toute raison -, et sur le dernier album, ”Head Carrier” fort honorable, avec de beaux moments pop (Oona, The Tenement Song) : il y a aussi, et heureusement, les inévitables brûlots des débuts, de ”Come On Pilgrim” et de ”Surfer Rosa”… Rien de ”Indie Cindy”, et peu de choses de ”Bossanova” et de ”Trompe le Monde”. Et pas de Planet of Sounds (pourquoi, mon dieu, pourquoi ? C’est mon morceau favori !), pas de Gigantic non plus, comme quoi la plaie Kim Deal n’est pas aussi refermée que Frank Black le prétend…

2016 11 23 Pixies Zenith (43)Le principe du set est un va et vient entre les pics furieux des morceaux les plus extrémistes (l’enchaînement de Crackity Jones, Baal's Back, Tame et Hey par exemple ne laissera personne indemne…) et les vallées plus accueillantes des chansons mélodiques. Evidemment, pendant les moments d’intensité incontrôlable, la situation s’avère physiquement difficile : à un moment, j’ai cru voir ma voisine verser une larme à ma droite, mais je me suis rendu compte que c’était de pure joie ! A ma gauche, mon voisin – armoire à glace - dégageait les envahisseurs, qui manifestaient des velléités de nous déloger de notre place privilégiée, en entamant un pogo brutal. Quant à moi, arrimé à la barrière, je me laissais complètement aller à savourer cette incroyable madeleine de Proust au piment rouge et à la tequila : les Pixies étaient à nouveau là… certes moins absurdement méchants, moins radicaux, mais quand même toujours à l’avant-garde de l’extrémisme alternatif. (Bon comme les Pixies sont toujours les Pixies, ils arrivent toujours à faire des fausses notes, à jouer et à chanter approximativement, voire même à foirer complètement le début d’une chanson, comme lorsqu’ils abandonneront l’intro de Um Chaga Lagga… mais honnêtement, ça fait partie du deal, et je ne pense pas que ça pose un problème à qui que ce soit !)

Le set se clôt à 22h00 pile, par le doublé parfait de Debaser (« I am un chien andalou-cia… ») et U-Mass (« It’s educational », adlib…). Les oreilles sifflent, le bonheur brille dans les regards épuisés : Pixies !

Puis ils reviennent, très vite, pour Vamos et l’habituelle démonstration à la guitare de Joey Santiago (bon, il ne se roulera plus par terre…) : « Estaba pensando sobre viviendo con mi sister en New Jersey, Ella me dijo que es una vida buena alla, Bien rica, bien chevere, Y voy! Puñeta! ». Et comme c’est une manière trop festive de nous dire au revoir, ils préfèrent nous noyer dans la fumée et dans les lumières blanches pour une excellente version de grand, du très grand morceau abstrait qu’est Into the White, sur lequel Paz Lenchantin fait mieux qu’évoquer le spectre bizarre de Kim Deal : « Deeper than your sleepy head, ain’t nothing to see, ain’t nothing in sight, into the white! ».

Ça devrait être mon dernier concert de l’année 2016, et honnêtement, après la révolution Girl Band il y a seulement quelques jours, comment mieux finir une année aussi déprimante qu’en célébrant à nouveau l’extrémisme sonique des Pixies ?

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Commentaires
B
Excellente chronique! J'y étais également ... C'était parfait, mais il manquait en effet planet of Sound et my velouria pour me combler totalement
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