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Le journal de Pok
20 octobre 2016

"Le Sculpteur" de Scott McCloud : les mains du Diable

Le Sculpteur

Se laisser entraîner, séduire même par un livre dont on est parfaitement conscient des limites, des insuffisances, est toujours une expérience difficile, voire un peu honteuse. Admettre qu'on a dévoré en une paire d'heures les 500 pages du "Sculpteur", qu'on a versé sa larme à la fin, c'est un peu comme admettre qu'on s'est "laissé avoir" par la lecture d'un livre de Marc Lévy (j'imagine, parce que je n'ai pas encore fait l'expérience…). Cela permet aussi de relativiser l'accumulation de critiques qu'on avait envie de faire quand on n'en était encore qu'à la moitié du livre, et qui n'ont finalement pas empêché cet étrange enthousiasme frénétique qui nous a saisi au fil des pages. Bref, il faut reconnaître que, comme les maîtres du best seller US (et français aussi, sans doute), Scott McCloud maîtrise parfaitement les trucs du storytelling commercial, et manipule de main de maître son lecteur. Mais, bien entendu, cela ne fait en aucune manière du "Sculpteur" une grande BD, la grande BD qu'elle aurait dû être si on allie un thème ambitieux (le mythe de Faust rencontre les super héros chers aux Comic Books dans le milieu de l'Art contemporain new yorkais) et une approche expérimentale de la narration en BD (McCloud est apparemment un théoricien fameux du genre). Car le problème est que, sans véritable talent, la technique pure est insuffisante : l'histoire, qui devrait être profonde, irrite régulièrement par son incapacité à réellement affronter les sujets esquissés, les personnages sont soit déplaisants - l'épouvantable personnage principal, auquel il est difficile de s'intéresser - soit passablement superficiels - Meg, simple faire valoir dont la tendance maniaco-dépressive est expédiée en quelques cases -, et le graphisme est terriblement moyen, même s'il faut heureusement reconnaître l'efficacité de certains procédés (le jeu avec le bleu, les effets de flous…). Mais le pire, qui tire "le Sculpteur" vers le bas et l'empêche finalement d'être vraiment convaincant, c'est la laideur des œuvres pondues par notre sculpteur possédé : impossible de croire un instant au talent de David Smith, ce qui évidemment annule l'intérêt du pacte faustien ! Ceci dit, répétons-le, ces lacunes graves n'empêcheront pas le lecteur bienveillant de passer un agréable moment au fil de ce suspense plutôt bien conduit.

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