Séance (tardive) de rattrapage : "A l'Origine" de Xavier Giannoli (2009)
"A l'Origine" commence de la manière la plus magnifique qui soit, et suscite un enthousisme rare chez le spectateur : c'est que Giannoli a eu une intuition saisissante, celle de faire parcourir à ses personnages le chemin de la crédulité (… se faire abuser par un menteur) à la croyance (… en une vision, un futur), et, très intelligemment - car "A l'Origine" est aussi un méta-film - de doubler ce trajet par celui du spectateur, lui aussi saisi par l'enchantement de sa propre croyance en un film qui conjugue bien des qualités. Une mise en scène élégante et ample, des personnages complexes et ambigus, des acteurs justes, voire parfois même en état de grâce… et un portrait assez rare de cette France "profonde", qui souffre de la crise économique, et qui qui a été abandonnée. Un chef d'œuvre ? Non, car Giannoli plante son fim au moment critique, lorsqu'il nous faut affronter le drame étouffant de la trahison, de la déception, de l'effondrement de la croyance du fait de l'accumulation des mensonges. Lorsqu'il faut montrer - et se prendre en pleine figure - l'amertume, la colère, la haine. Au moment où la tragédie doit 'accomplir, Giannoli préfère la fuite, dans un lâche enchaînement de scènes qui ne disent rien de l'essentiel, dans une sorte de dilution des personnages et des situations, abandonnées en pointillés. Pour le spectateur, piégé par ses espérances, victime du chantage le plus brutal qui soit, celui de "inspiré par des faits réels" (répété à la fin par les habituels cartons déclarant que les "vrais" gens ont eu un futur), cette lâcheté est insupportable : il retombe brutalement de la croyance à… l'incrédulité parce qu'il s'en voudrait d'être crédule, d'accepter l'abandon dont il est victime, avec le film. Du coup, il sort de "A l'Origine" terriblement de mauvaise humeur !