Séance (tardive) de rattrapage : "Inside Llewyn Davis" de Ethan & Joel Coen (2013)
J'ai beaucoup tardé à voir "Inside Llewyn Davis", peu attiré par son thème (les perdants - qui me semblait a priori redondant dans l'œuvre des Frères Coen) et par son cadre (la scène folk du Village, au début des années 60, dont il y a, à mon avis, très peu de choses intéressantes à retenir, hormis l'émergence de Bob Dylan, d'ailleurs ici intelligemment annoncée dans une conclusion qui condamne définitivement Llewyn Davis à l'anonymat). C'était clairement une erreur, tant ce film se place parmi les meilleurs des deux frères, grâce à une sorte de clarté métaphysique qui le range très près de "No Country for Old Men" et une précision empathique du regard qui rappelle cette autre merveille qu'est "A Serious Man". Pas d'ironie surplombante vis-à-vis de ce champion de la "lose", heureusement : on peut même trouver un peu de tendresse dans la description dépressive de rêves irrémédiablement perdus au fil de l'Histoire, mais aussi du temps qui passe, tout simplement. "Inside Llewyn Davis" nous fait heureusement aussi rire - comme lors de l'épisode délirant de la rencontre avec un John Goodman toujours impressionnant -, mais jamais au détriment de son triste "héros", même si ce dernier, fabuleusement interprété par Oscar Isaac, alors presque inconnu, est également dépeint comme largement responsable de sa déveine : c'est cet équilibre précieux qui fait du film une étonnante réussite, et lui permet de trascender cette absolue perfection stylistique qui risquait de lui conférer un statut étouffant d'œuvre formaliste.