Séance de rattrapage : "Ex Machina" d'Alex Garland
Grand lecteur depuis mon adolescence de S.F. (je ne parle pas ici de Space Opera ou d'Heroic Fantasy, que j'ai tendance à considérer comme des genres mineurs), j'entre avec un a priori forcément positif dans un film comme "Ex Machina", dont je découvre - sans rien avoir lu dessus avant, pour ne pas être influencé ou déçu - que le scénario renvoie intelligemment à Asimov ou encore à Dick (pour la seconde meilleure scène du film, reprenant directement une obsession phildickienne, celle du doute sur sa propre réalité). J'apprécie le rythme mesuré du film, son refus (relatif quand même) des scènes choc et des coups de théâtre (tout ce qui gangrène le cinéma commercial depuis 20 ans), l'intelligence avec laquelle il utilise la topographie extérieure et l'architecture intérieure de la très belle demeure où il est tourné, et le soin avec lequel Garland relie les thèmes classiques de la SF à l'actualité de la technologie (Google et le Big Data en particulier). Je respecte les tentatives d'apporter une vraie profondeur au débat sur l'A.I., grâce à des considérations scientifiques (simplifiées) ainsi qu'artistiques, même si cette profondeur finit sacrifiée sur l'autel du thriller qui prend finalement la main. Je déplore les références religieuses - un must de notre triste époque, semble-t-il - aussi lourdes que fondamentalement hors sujet. Je regrette profondément l'utilisation omniprésente d'une musique "évidente", même si le basculement final est intéressant : quand est-ce que les réalisateurs modernes comprendront à nouveau que le silence complet est préférable dans ce genre de film ? Mais, finalement, n'est-ce pas la performance remarquable d'Oscar Isaac qui fait vraiment tenir le film debout, et lui donne une force - et une noblesse - qu'il n'aurait pas sans lui ? A ce titre, il est probable que la plus belle scène du film, celle de la danse, soit ce qui reste finalement de "Ex Machina".