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Le journal de Pok
7 mars 2016

Dominique A à l'Embarcadère (Montceau les Mines) le vendredi 4 mars

2016 03 04 Dominique A Embarcadère (12)S’il est un lieu commun qui perdure dans les milieux peu informés, c'est que Dominique A, ça serait "triste" : il suffit pourtant d'écouter l'un de ses excellents albums - comme les trois derniers (car Dominique Ané est en ce moment dans une phase particulièrement créative), "la Musique", "Vers les Lueurs" et "Eléor", ou, mieux, de le voir en action sur une scène pour saisir combien sa musique est au contraire pleine d'une vitalité qui débouche régulièrement sur une véritable extase esthétique. Combien la nostalgie, d’ailleurs abstraite - car relative à aucun lieu, aucun temps, aucune personne n'ayant vraiment existé - que diffuse son œuvre désormais majeure, respire la VIE à pleins poumons. A travers le globe, du port coloré et mythique de Valparaiso à l'îlot intime d'Eléor, c'est une cartographie universelle de nos états mentaux - et sentimentaux - que dresse Ané, avec une sûreté de trait (de la voix…) grandissante, parfois même impérieuse.

Sur la scène de la salle confortablement anonyme de l'Embarcadère de Montceau-les-Mines, pas tout à fait remplie (une honte pour la région !), c'est peu de dire que Dominique A impressionne : sa stature, sa détermination, son choix pas forcément facile - surtout devant un public provincial à la moyenne d'âge assez élevée, un peu somnolent dans son attente de "chanson française" - de consacrer un set long (2h20, ce qui n'est pas si courant de nos jours) principalement à des titres récents, tout cela témoigne d'une maturité superbe, d'une sûreté de soi qui confirme le statut exceptionnel de Dominique A au cœur de la scène française. Accompagné par trois musiciens, dont un bassiste au jeu de scène étrange et assez séduisant ma foi, Dominique A attaque son set de manière nerveuse et électrique avec Hotel Congress, qui nos rappelle combien "la Musique" avait constitué un redémarrage pertinent pour lui, avant d'entrer dans le vif du sujet : l'interprétation d'une large partie de "Eléor", son dernier album, et certainement l’un de ses chefs d'œuvre les plus aimables. Les versions proposées sur scène sont assez fidèles aux originales, juste un peu plus musclées et intenses. Par le Canada et Au revoir mon amour, chacune dans son genre particulier, sont sans doute les deux chansons qui tireront le mieux leur épingle du jeu ce soir, tandis que Central Otago perd un peu son impact pop. Le son est fort et net, après une courte période d'ajustement de la voix de Dominique, mais ce sont les lumières qui enchantent, créant un très bel accompagnement expressionniste aux ambiances musicales, renforçant l'impression de dureté électrique qui se dégage du groupe.

2016 03 04 Dominique A Embarcadère (45)On oublie souvent de rappeler que Dominique A est un homme charmant - qui ne s'offusquera pas un instant de la passivité du public bien calé dans ses fauteuils confortables, et ira au contraire à la "pêche" aux réactions, établissant peu à peu une empathie chaleureuse, qui n'était pas gagnée à l'avance... Et Dominique sait être drôle, faisant preuve d'une humilité et d'une autodérision qui tempèrent joliment l'aspect dramatique de certains textes : son anecdote sur sa rencontre bizarre avec son idole de toujours, Gérard Manset, remet ainsi en perspective la chronique acide des tensions familiales qu’est la chanson intitulée du nom de l'artiste... Plus tard, le gag de l'incompréhension suisse face à ses allusions aux bals populaires allège la tension de Rouvrir.

S'il y a quand même un petit reproche à faire à ce set, c'est qu'il s'égare çà et là en insérant des titres moins pertinents (les Hommes entre Eux ou Music-Hall par exemple seront des flops, vaguement ennuyeux) qui allongent le set sans contribuer vraiment à l’enrichir. Finalement, on peut trouver que le choix de Dominique A d’une complète cohérence sonore lui fait courir le risque de l’uniformité, et qu’un concert plus court aurait été plus impactant. La seconde partie de la soirée est celle de la montée en puissance, avec un son plus rock, et des interprétations de plus en plus urgentes : Pour la Peau et Antonia, ainsi joués, nous rappellent combien "Auguri" a été un disque fort en son temps. Pour ma part, je regretterai que l’interprétation du Convoi, LE morceau que j’attendais – l’un des plus singuliers du répertoire récent de Dominique A, l’un de ceux où il rejoint clairement le souffle puissant (et abstrait, répétons-le) des meilleurs morceaux de Manset – et qui conclut le set principal, ne sera pas assez apocalyptique : long, bruyant, obsessionnel, mais pas assez extrémiste… peut-être parce qu’il reste encore chez Dominique A une certaine réserve qui l’empêche de matérialiser complètement la puissance qui sommeille au cœur de ses meilleures chansons.

Heureusement, les rappels vont rattraper ce petit bémol : si la Mémoire Neuve, marquant en son temps, sonne un peu anecdotique désormais (preuve des progrès de Dominique), Hasta que el Cuerpo Aguante et surtout, l’incontournable Courage des Oiseaux, joué ce soir dans la version la plus électrique, voire frénétique, que j’aie personnellement entendue, vont vraiment enfoncer le clou… et le public trop paisible de Montceau les Mines va enfin pleinement réagir. Il n’est pas certain qu’après une telle intensité, un second rappel se soit imposé, mais l’Océan est une chanson magnifique, et l’Horizon, morceau plus banal, finit sur une belle partie de guitare, inhabituelle chez Dominique A, qui finit par nous marquer au fer rouge : Dominique A mérite beaucoup plus d’attention qu’on ne lui en accorde, peut-être du fait de sa position instable – et toujours changeante - entre rock nerveux, voire bruyant, et chanson à texte dans une certaine tradition française.

La tristesse n’a vraiment rien à voir là-dedans, l’enthousiasme oui.

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