Courtney Barnett à la Gaîté Lyrique le samedi 5 décembre
A 28 ans, Courtney Barnett en paraît presque dix de moins, tant son attitude post-grunge et complètement slacker semble refléter les affres d’une adolescence difficile. Evidemment, quand on écoute les textes remarquables de ses chansons, on se doute bien que la demoiselle a de la maturité, mais ce soir sur la scène de la Gaîté Lyrique, au sein d’un power trio efficace comme on n’en voit plus assez, Courtney est le prototype de la toute jeune femme enfermée dans sa musique, qu’elle vit avec intensité et non sans un certain autisme. Même si cette musique part dans une direction différente – plus classique, plus inspirée peut-être par un Lou Reed, voire une Patti Smith –, même si les vocaux témoignent plus d’une morgue provocatrice que d’un désespoir extrême, la comparaison avec Kurt Cobain et son Nirvana vient automatiquement à l’esprit.
Le principe d’un concert de Courtney Barnett, on s’en rend rapidement compte, c’est que la guitariste gauchère ménage à la fin de ses chansons, interprétées de manière assez fidèle aux versions de l’album – un album enregistré de manière très crue, il est vrai – un espace « instrumental » permettant au trio de monter en puissance, en tension, et d’essayer donc de déchaîner cette hystérie qui est, ma foi, le signe de tout bon concert de ROCK. Dead Fox, dont les paroles malignes passent évidemment au second plan dans ce contexte, sera la première, et peut-être la meilleure, expression de ce talent qu’a Courtney pour mettre le feu à une salle aussi calme qu’une Gaîté Lyrique remplie de Parisiens établis et d’âge moyen ! Pendant quelques instants, je me dis que, oui, Courtney Barnett est bien le talent hors du commun que nous attendions pour redonner un peu de vie à notre Rock vieillissant ! Et ceci, sans rien renouveler, soyons bien clair : qui attend de la nouveauté n’a rien à faire ici ce soir (d’ailleurs Courtney porte un t-shirt INXS, c’est dire qu’elle n’est pas ici pour faire la révolution !). On se contentera de l’énergie, et ce n’est pas si mal…
Si la guitare agressive de Dan Luscombe, le producteur de "Sometimes I Sit and Think…", nous manque un peu ci et là, il n’y a rien à redire au boulot de la section rythmique, qui porte parfaitement les compositions simples, un peu répétitives de Courtney. Mieux, alors que je m’attendais à un set assez court, ce qui est habituel de la part d’une artiste n’ayant qu’un seul LP au compteur, elle nous régalera, pour ce qui était semble-t-il le dernier concert de sa tournée, d’un set de près d’une heure et quart, qui se terminera, logiquement, par le morceau le plus brillant (et le plus agressif) de l’album, Pedestrian At Best, parfait pour le head banging, en gueulant avec elle son irrésistible refrain : "Put me on a pedestal and I'll only disappoint / You tell me I'm exceptional and I promise to exploit you / Give me all your money and I'll make some origami honey / I think you're a joke but I don't find you very funny…”
Pour le rappel, les musiciens de Big Scary reviennent et tout ce joli monde nous interprète une version roborative du Know Your Product de nos chers Saints, une belle référence qui montre que Courtney a bon goût (… bon, un t-shirt des Saints aurait aussi été apprécié, au lieu de INXS). Le concert se clôt sur un dernier morceau un peu grunge, et nous sortons tous contents.
Ce soir, le rock’n’roll n’a pas sauvé le monde, ni même Paris, ni même le moral des Parisiens, mais s’est au moins avéré rester une cause valide. Vivement 2016 !