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Le journal de Pok
26 octobre 2015

"Total Recall", un recueil de nouvelles de Philip K. Dick

Total Recall Livre

Compilation de nouvelles "classiques" - on peut aussi dire "petits bijoux" - de l'immense P. K. Dick, que j'avais quasiment toutes lues dans les années 70 au sein de divers recueils de SF, "Total Recall" a été nommé dans une édition précédente "Minority Report", voulant coller commercialement à chaque fois à l'actualité cinématographique. Si l'on admet que l'écriture de nouvelles a un aspect très alimentaire dans la production de Dick - il en vivait au jour le jour, et plutôt mal -, et que celles-ci paraissent avoir un but plus ludique qu'autre chose, force est de reconnaître que tout en nous divertissant, P. K. Dick abime quand même en profondeur nos croyances les plus établies : rien ici n'est ce qu'il paraît - et surtout pas le personnage central de la plupart des nouvelles regroupées ici - , le lecteur n'a donc aucune certitude à laquelle se raccrocher pour affronter une conclusion qui s'avère forcément un "unhappy end". Aucun espoir ici d'échapper à la puissance du capitalisme dévoreur, à des entités extra-terrestres ou même divines à la malveillance absolue (l'extraordinaire "La Foi de nos Pères" qui préfigure "Ubik" et est le sommet de cette courte compilation), ou pire encore à soi-même, puisque nous ne sommes jamais certains de ce que nous sommes vraiment, machine déficiente, monstre en devenir, bombe nucléaire en attente de son détonateur, ou même production aléatoire d'une réalité autre. Un peu d'humour acide vient tempérer ça et là la noirceur de la peinture, mais tout ce que nous tenons normalement pour acquis, notre boulot, notre famille, les règles sociales, les grands principes mêmes de notre civilisation, est irrémédiablement miné dans chacune de ces nouvelles : combien logique nous semble aujourd'hui la renommée (même marginale) de Dick à la fin des années 60, quand la jeunesse remettait largement en cause tous les dogmes. Il est par ailleurs frappant de voir combien l'imagination de Dick se révèle déficiente quand il s'agit d'imaginer la technologie du futur (dans ses récits, on va sur Mars mais on s'envoie encore des fax), alors qu'il y a dans ses œuvres une puissance visionnaire réellement exceptionnelle (osera-t-on lui appliquer le mot tant galvaudé de "génie", alors qu'on lit en filigrane tant de souffrances ?) dans la représentation de toutes les aliénations qui sont devenues les nôtres un demi siècle plus tard.

PS : Une autre leçon possible de la lecture des nouvelles qui ont donné lieu à des adaptations cinématographiques est combien Hollywood se fourvoie systématiquement et fondamentalement en tirant de cette littérature profondément malade des scénarios "carrés" pour des films grand public.

 

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