On a trop aimé Johnny To lorsqu'on découvrait son cinéma élégant et tendu, voilà une bonne décennie, pour ne pas lui faire la grâce d'un peu de notre attention alors qu'il vient de réaliser une sorte de film impossible (au sujet théoriquement interdit par la Parti Communiste Chinois) avec ce "Drug War", chronique d'une belle inventivité d'un piège tendu par la police chinoise à un réseau de trafiquants de drogues - venus de Hong Kong, bien entendu, il faut bien faire des concessions... Comme on l'a beaucoup écrit, la belle mise en scène de To respire sous les ciels ouverts et dans les grands espaces (urbains) chinois, loin de l'étouffement labyrinthique de Hong Kong, et cela fait plaisir à voir. "Drug War" est construit sur un scénario formidablement subtil - pas toujours facile à suivre, il est vrai - tournant autour d'un duo d'acteurs au sommet (Louis Koo, frimeur magnifique d’ambiguïté, et Honglei Sun, absurde de versatilité) et nous ménageant de nombreuses scènes surprenantes... et régulièrement d'une terrible intelligence. Le tout culminant dans un gunfight dantesque (et pourtant ultra-réaliste dans sa manière de n'épargner personne...), comme on en attend systématiquement dans tout film de Johnnie To. Au final, "Drug War" n'est sans doute pas l'un des meilleurs To, du fait d'un rythme qui vacille parfois, et d'une conclusion "morale" sans doute imposée par les autorités chinoises, mais cela reste un polar d'une vigueur magnifique, nous offrant en plus quelques images inédites d'un pays qui reste encore largement "invisible".