"Imitation Game" de Morten Tyldum : film baudruche
Quelle histoire extraordinaire que celle de "Imitation Game" ! Du vécu, entre petite (l'homosexualité du génie des maths que fut Alan Turing, à l'origine de l'invention de l'ordinateur) et grande histoire (le travail des casseurs de code anglais qui brisèrent Enigma, et changèrent le cours de la seconde guerre mondiale, ni plus ni moins !), des espions, des traumas, du mystère, de la politique, etc. Et Cumberbatch, l'un des jeunes acteurs les plus excitants du moment... Que de talent a-t-il donc fallu à Tyldum et à son équipe (car à ce niveau là, il n'a pas pu y arriver tout seul...) pour réduire ce formidable potentiel à quasiment rien : un film-baudruche qui parle de tout et de rien avec une superficialité stupéfiante, un numéro d'acteur éminemment oscarisable, mais sans l'intensité qui semblait pourtant essentielle, un scénario mal construit avec ses allers-retours entre 3 époques, un léché de l'image dans la bonne et épuisante tradition du film historique anglais, des scènes de guerre digitales aussi laides que factices... et on pourrait poursuivre cette liste d'échecs artistiques pendant des pages. Si l'on tient quand même le coup pendant tout le film, malgré le manque d'intérêt manifesté par le scénario envers ce qui aurait du compter - la logique de fonctionnement de la machine, la dynamique de création au sein de l'équipe de chercheurs, l'homosexualité comme révélateur de l'humanité de Turing - et non comme sale petit secret -, etc. -, c'est que, décidément, le sujet résiste à la maladresse générale : le moment de la résolution de l'énigme, pourtant fort convenu, enthousiasme, tandis que la complexité des enjeux moraux et des jeux d'espion qui s'ensuivent étourdit. C'est bien peu quand même, quand on pense au grand film qu'un Fincher, magnifique cinéaste de l'intelligence, aurait su réaliser sur ce sujet en or.