Séance de rattrapage : "All Is Lost" de J. C. Chandor
Auteur du remarquable (et original), "Margin Call", J. C. Chandor aime visiblement les défis, ce qui est plutôt rare dans le cinéma des studios. Voici donc "All Is Lost", présenté souvent comme un "Gravity" au milieu de l'océan, qui nous propose une heure trois quart de dérive solitaire avec un marin perdu, sans une seule ligne de dialogue - ou de monologue, plutôt. Et avec Robert Redford, 77 ans, offrant toute la maîtrise de son art, pour nous aider à croire en ce récit d'une lente agonie... et, il faut bien l'avouer, pour nous faire patienter durant tout le film jusqu'à un final - certes esthétiquement magnifique, mais - pour le moins improbable. Avec ses très belles images (l'océan, le ciel, évidemment splendides), et le jeu à la fois (plutôt) démonstratif et juste de Redford, "All is Lost" passe assez près de la réussite, mais l'ennui poli que l'on ressent la plupart du temps est le signe que quelque chose fait défaut : appelons cela une vraie mise en scène, soit un niveau artistique encore hors de portée de ce jeune réalisateur qu'est Chandor... Sans doute eût-il fallu un Hitchcock pour transformer ce huis clos masochiste en un grand moment de tension, ou un Kubrick pour en tirer des visions métaphysiques qui transcendent le sujet, finalement basique, trivial... Ou même un Cuarón, justement, pour passer au spectateur un peu du vertige qui saisit l'homme face à l'immensité impitoyable qui veut sa fin. Chandor, avec sa réalisation léchée mais d'une qualité "technique" passe partout, ne réussit rien de ça, nous abandonnant donc nous aussi à la dérive.