"Corps de Mots" des Têtes Raides : le pouvoir de la poésie
Nouveau virage à 180 degrés pour les Têtes Raides : eux qu'on avait connus à nouveau électriques et festifs nous livrent avec "Corps de Mots" l'un de ces manifestes poétiques "intégristes" dont on n'a certes plus l'habitude, mais qui peinera sans aucun doute à recruter de nouveaux clients, à notre époque où la poésie des mots n'a plus guère droit à la parole. Et le droit à la parole, c'est bien le grand sujet de Christian Olivier et ses Têtes Raides, qui motive leurs choix musicaux comme politiques depuis toujours. "Corps de Mots" n'est pas un album aimable, parce que les choix de poésie effectués ici sont avant tout d'une poésie de combat : ni romantisme Rimbaldien ni facétie légère à la Prévert ici, on est dans le domaine de la lutte avec les mots pour leur extraire des sens et des sensations, et de la lutte avec la société. Punk ? Oui, absolument. D'ailleurs, le sommet de l'album est la longue (plus de vingt minutes) lectures d'un texte immense de Genet, "le Condamné à Mort", littéralement enchanté, bouleversant, d'une force surnaturelle. Ne serait-ce que pour ça, l'achat de "Corps de Mots" est pleinement justifié. Et le reste ? Eh bien, on oscille entre le purement anecdotique (la reprise de "Love Me Tender" en acoustique balbutiant vaut surtout pour la "provocation", tandis que la nouvelle version de "Ginette" n'apporte rien au classique des Têtes Raides, au contraire...) et le très bon ("On ne quitte pas son ami", "le pont Mirabeau" et bien d'autres)... Et la musique ? Elle n'a en fait guère d'importance, elle se limite à une sorte d'ambiance efficace autour de la voix hantée de Christian Olivier, omniprésent, dans ce disque tout entier dédié au pouvoir des mots. Le CD est aussi accompagné d'un DVD live, totalement inutile, les images ne réussissant pas à ajouter quoi que ce soit à la beauté de textes faits pour être écoutés les yeux fermés.