"Desperate Ground" de The Thermals : un revirement étonnant dans la discographie du meilleur groupe punk US actuel...
Alors que les deux derniers - et passionnants - albums de The Thermals avaient vu le trio énergique et combatif de Portland faire évoluer doucement leur punk rock enragé original vers des terres plus pop et plus... introspectives, "Desperate Ground" se présente comme un retour abrupt aux origines du groupe : en moins de 30 minutes, voici dix chansons brutales, abrasives, sans concession, vomies par un Hutch Harris toujours aussi enthousiasmant vocalement, de quoi faire mentir ceux qui pensent impossible qu'un artiste ou un groupe puisse mûrir sans se trahir un peu. Malheureusement, "Desperate Ground" pose de nombreux problèmes au fan, au delà de l'admiration qu'on ressent forcément pour une musique qui se positionne aussi franchement en dehors des modes et refuse autant la facilité... D'abord, peu de grandes chansons ici, seulement deux ou trois qui risquent de concurrencer après quelques écoutes les meilleurs titres des précédents albums, ce qui est forcément préoccupant quand un groupe en arrive, de manière aussi peu inspirée, à son cinquième album. Ensuite, un choix de production discutable, puisque la voix de Hutch est quasi systématiquement saturée, nous privant de beaucoup du plaisir que nous prenions à ses imprécations passionnées, et que le son de la guitare est assourdi, rendant obligatoire une écoute à fort volume, certes cohérente avec l'esprit du groupe, mais pas toujours "facile...". Enfin, et c'est le plus grave, le thème - assez déconcertant, voire dérangeant - de ce "concept album" qui semble tourner autour des obsessions tragiques, aussi criminelles que destructrices de guerriers barbares issus directement d'un "Game of Thrones" que Hutch Harris aurait un peu trop regardé... Ce qui est quand même assez régressif par rapport aux pamphlets politiques des débuts de The Thermals, et surtout par rapport aux réflexions sensibles sur l'amour ou sur les relations humaines du précédent album ! "Desperate Ground" n'est pas désagréable, il pose simplement un certain nombre de questions sur le futur du meilleur groupe punk US actuel.