Revoyons les classiques du cinéma : "Sin City" de Robert Rodriguez (2005)
Et si l'on admettait une bonne fois pour toute que la BD (et le manga) et le cinéma sont deux formes d'Art qui n'ont strictement rien à voir, et qu'il est terriblement illusoire de vouloir transposer l'univers de l'un à l'autre ? "Sin City" avait tout pour être une réussite : des choix graphiques pertinents, audacieux, et non dénués d'intelligence artistique, un vrai "bon esprit" de la part de Rodriguez et Tarantino qui leur font éviter brillamment les pièges de l'adaptation "classique" ou "hollywoodienne", sans même parler de la collaboration de Frank Miller, l'auteur de la remarquable BD originelle. Et au début, on y croit... presque : c'est (très) beau, très trash, très ambitieux. Mais voilè, peu à peu, la fatigue s'empare de nous, les sens sont saturés, l'équilibre fragile entre découpage BD et mise en scène cinématographique ne fonctionne plus, le scénario qui adapte trois histoires de la saga "Sin City" se révèle aussi étouffant qu'incohérent, les acteurs (quel casting, mais quel casting !) peinent à échapper aux stéréotypes et à faire décoller émotionnellement la plupart des scènes, figées dans une beauté mortifère ou au contraire "explosées" dans un délire épuisant. On termine le film saturé d'images excessives et de sensations grand-guignolesques, tout bonnement vaincu par une impression de simplisme réducteur. Une fois de plus, la traduction d'une BD complexe, ambigüe, marquante, résulte en des poses figées, des attitudes caricaturales, en la mise à plat peu féconde d'une fiction qui semble avoir perdu ici toute profondeur et tout affect.