Peu de films ont marqué l'histoire du cinéma fantastique comme "l'Exorciste", dont la sortie en 1974 avait entraîné une onde de sainte terreur chez les spectateurs - croyants ou non -, suivie d'un tsunami de critiques interloquées par la brutalité inédite du film de Friedkin, mêlant réalisme psychologique et médical et grand guignol sexuellement outré, sans parler des fameux plans subliminaux sensés impressionner à son insu le sub-conscient du spectateur-cobaye. 40 ans plus tard, "l'Exorciste" reste un film à l'efficacité sans faille, malgré le grotesque qui n'est jamais très loin (maquillages à la truelle et vomis verdâtre), et surtout en dépit des innombrables plaisanteries qui sont nées de son imaginaire puissant, intarissable source de parodies. C'est que le pari de l'obscénité que fait Friedkin, et qui, curieusement, ne choque pas la censure de l'époque, sans doute rendue muette par un tel objet non identifié, touche le spectateur en des points peu souvent titillés, et provoque cette horreur sans nom qui a fait la réputation du film. La prestation hallucinante de la jeune Linda Blair, la complexité de l'intrigue qui ne cède rien de son opacité, la richesse des personnages ambigus, la vision uniformément noire de Friedkin transcendent toujours la relative maladresse de ce qu'on n'appelait pas encore à l'époque des effets spéciaux. A noter quand même que la version longue est légèrement plus fade et maladroite que la version originale, qu'on doit lui préférer, même si elle semble aujourd'hui indisponible en Blu-ray Disc.