Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le journal de Pok
14 avril 2013

Caetano Veloso à la salle HSBC Brasil le vendredi 12 avril 2013

2013_Caetano_Veloso_HSBC_Brasil_SP_004Il est 22h10, et le concert de Caetano Veloso commence, sur une scène élégamment décorée de tableaux géométriques éclairés de lumière blanche. Physiquement, Caetano a pris un coup de vieux, et comme en plus, il est d’emblée clair qu’il n’est pas une bête de scène, ses déplacements étant assez timides, voire hasardeux, notre attention devra se focaliser sur sa voix, qui reste impeccable, à la fois totalement féminine (c’est ce qui le caractérise le plus, et lui vaut – de la part de ses rares détracteurs - le qualitatif tellement brésilien de « viado » / « gay »...) et puissante quand il le faut. Le set débute, comme l’album, par le réjouissant A Bossa Nova É Foda, et d’emblée il est évident que le public – en majorité féminin, mais de tous les âges – est fanatique, et tout le monde chante. La Banda Cê assure efficacement, comme sur le disque, avec ce mélange plaisant de purisme rock’n’roll dépouillé (j’ai vu citer les Strokes comme référence dans la presse locale) et d’incursions avant-gardistes, en particulier avec la guitare inventive de Pedro Sá.2013_Caetano_Veloso_HSBC_Brasil_SP_015

Le set sera construit sur l’interprétation – intégrale, si je ne me trompe – des titres de « Abraçaço », alternant avec des compositions plus anciennes, que je ne connais pas, pour la plupart, avant de se terminer avec quelques uns des classiques de la MPB. Le titre Abraçaço lui-même, joué très tôt, se révélera pour moi le sommet de la soirée, mélange parfait d’émotion très pure et de générosité, porté par une mélodie parfaite, explosant littéralement avec le solo extraordinaire de Pedro Sá (qui me rappellera Robert Fripp à ce moment), et se concluant avec une jolie pantomime de Caetano et ses musiciens, construisant un être fabuleux aux membres multiples (... même si nous n’avons pas très bien compris le pourquoi du doigt d’honneur de Caetano au milieu !). Sur Homem, au texte « sexuellement explicite » (et polémique au sein de la MPB), Caetano s’amuse à faire chanter en choeur à son public ravi : « Não tenho inveja da maternidade / nem da lactação / não tenho inveja da adiposidade / nem da menstruação / só tenho inveja da longevidade / e dos orgasmos múltiplos / e dos orgasmos múltiplos / eu sou homem » (Je n’envie ni la maternité, ni l’allaitement, nje n’envie pas la graisse, ni les règles, je n’envie que la longévité et les orgasmes multiples, je suis un homme)... Évidemment superbe d’intelligence, mais on connaît la finesse des textes de Caetano...

2013_Caetano_Veloso_HSBC_Brasil_SP_035Plus tard, il y aura aussi un très bel enchaînement de Um Comunista (superbe chanson politique nostalgique en souvenir des militants massacrés par la dictature et finalement abandonnés par le communisme international), Triste Bahia et Estou Triste, qui fonctionne d’ailleurs beaucoup mieux que sur disque. Mais il faut admettre aussi que les limites du show sont désormais évidentes : si le groupe excelle quand la musique est plus rock, il n’élève pas les morceaux plus lents vers le sublime auquel Caetano nous avait habitué lors de sa « phase » précédente, avec le génial producteur Jacques Morelenbaum. Et Caetano lui-même n’arrive jamais à créer ce soir ces moments de magie, de suspension, qui le caractérisaient voici quelques années encore (on peut en voir une trace avec son apparition quasi surnaturelle dans le « Hable Con Ella » de Pedro Almódovar...). Ce qui fait que, peu à peu, grandit le sentiment d’assister à un concert un peu ordinaire, certainement en deçà de ce que nous attendions d’un tel « génie ».

Le set se termine avec des chansons populaires, comme Você Não Entende Nada qui provoque l’enthousiasme général, tout le monde est debout et chante, et pas mal de minettes se sont précipitées devant la scène pour s’approcher de leur vénérable idole. En rappel, Caetano jouera quand même A Luz de Tieta, une chanson que j’adore et qui symbolise pour moi toute la joyeuse exubérance du Nordeste... Mais pas Sozinho... De toute manière, le Caetano de ce soir, avec son groupe de petits jeunots, ce n’était pas l’Artiste (majuscule !) raffiné qui nous émouvait tant. Et du coup, nous ressortirons tous deux un peu déçus d’un concert qui n’a jamais été exceptionnel, seulement bon.

Publicité
Publicité
Commentaires
Le journal de Pok
Publicité
Le journal de Pok
Archives
Publicité