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Le journal de Pok
26 octobre 2012

This Is The End (Is It?)

This_Is_The_End« A la Joy Eslava, cette salle magnifique de Madrid, lorsque se termine un concert, il est contumier d’entendre s’élever la voix superbe de Jim Morrison, couvrant le brouhaha des spectateurs qui se dispersent lentement : « This Is The End / Beautiful Friend ». Alors que nous avons encore tous la tête – et même parfois le coeur – emplie des images et des sons du set qui vient de s’achever, la mélodie funèbre des Doors nous raccompagne en douceur vers les rues chaudes de Madrid et vers la réalité, dure, du monde (Et peut-être « When The Music’s Over » serait un choix plus pertinent, non, Mr. DJ ?). Et c’est peu à peu, au cours de cette saison de concerts assez médiocre que fut 2011-2012, qu’un sentiment diffus s’est imposé à moi : « et si, avec mes 54 ans bien sonnés, c’était vraiment la fin ? »...

Depuis que j’ai 15 ans, voilà quatre décennies, la musique, live qui plus est, a été l’un des moteurs les plus puissants de mon existence : le Rock m’a fourni le système de valeurs qui m’a servi à me construire comme ado, puis comme adulte... Mais m’a certainement aussi empêché de réaliser complètement d’autres facettes de ma personnalité, par faute de temps, mais aussi parce que ce système les excluait de facto (Allez, peut-être aurait-je pu devenir un champion international de golf si je n’avais pas adhéré aussi franchement au White Riot des Clash ? LOL).

En songeant à bon nombre de mes copains, de mes amis, aussi passionnés que moi, il m’a été facile de voir combien l’amour de la Musique est exclusif, et combien nous avons tous sacrifié à cet amour : oui, fans de concerts jusqu’à l’obsession, nous avons trop souvent négligé nos partenaires, nos autres amis, notre famille, notre métier... et ce parfois jusqu’au désastre personnel ou social. C’est sans doute bien cher payer pour quelques rares – et de plus en plus, en fait – moments d’extase, ces moments que l’on qualifierait d’orgasmes non sexuels ou de manifestations extrêmes du syndrome de Stendhal.

Pire, avec les années et l’accumulation des expériences, je me suis rendu compte que l’usure est peu à peu venue, que les moments de véritable plaisir sont devenus progressivement moins forts, moins fréquents. Que le désir même a fini par s’émousser, que l’attente fiévreuse qui précédait l’apparition de groupes fétiches qui me galvanisaient littéralement voici encore 10 ou 15 ans est devenue une sorte d’expectative vaguement blasée. Et que le temps passé – dans la circulation pour arriver à temps, dans la queue pour être absolument au premier rang, dans les salles mêmes devant des premières parties sans intérêt ou durant d’interminables changements de matériel, etc. -, ainsi que toute cette anxiété assez dérisoire, tous ces désagréments encourrus (la soif, la faim, l’envie de faire pipi, la pression du public, la violence parfois même...) m’ont peu à peu semblés moins justifiés.

Oui, je blâme l’usure (la rouille, cher vieux Neil ?), la fatigue... l’âge peut-être : car nous sommes désormais quasi systématiquement les plus âgés du public à nos concerts, puisque nous n’avons – au moins – pas succombé à l’infecte nostalgie de musiques mortes comme tant de gens de notre génération.

Toujours est-il qu’en 2012, il m’est apparu comme une évidence qu’il était temps de suivre le conseil subliminal de ce cher Jim disparu : mettre un point final à cette belle aventure avant qu’elle ne devienne définitivement trop pesante, voire trop ridicule. Oh, certainement pas aller jusqu’à arrêter d’écouter de la musique vivante, la musique de notre époque, ce serait impossible. Et absurde. Même pas d’arrêter d’assister occasionnellement au concert d’un artiste essentiel qui passerait par là (disons par exemple Sparks, Cohen, Neil Young, Arcade Fire, et quelques autres...), ou d’entre par hasard dans une salle lors d’une soirée impromptue... Mais au moins sortir définitivement du systématique, de l’obsessionnel, de la « collection » de moments live. Oui, profiter d’un nouveau déménagement professionnel, vers le Brésil, où le Rock est moins accessible, pour se désintoxiquer, pour retourner vers une vie moins maniaque, vers des plaisirs plus variés.

Ce n’est bien sûr pas une décision anodine. Car, mon cher Jim, quand « the Music’s Over », quand c’est la fin, mon bel ami, que se passe-t-il ensuite ? »

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