Seconde opinion : "The Dream of the Blue Turtles" de Sting (1985)
Cause et conséquences : la carrière subséquente d'un artiste peut-elle (et doit-elle...) influencer la perception qu'on a de ses oeuvres antérieures ? Parlons de Sting, chanteur condamné au ridicule à cause de sa prétention et de son sérieux régulièrement embarrassant. A sa sortie, je me souviens avoir beaucoup aimé ce "Dream of the Blue Turtles", malgré son titre lourdingue, et en dépit des photos ridicules sur la pochette de l'ex-"policeman", encore auréolé du triomphe artistique de "Synchronicity". J'avais vu dans l'orientation mi-jazzy, mi-classique / baroque de l'album une poursuite de la veine expérimentale des dernières années de Police : or, je la perçois plus aujourd'hui comme un premier pas vers l'éternelle recherche par Sting d'un statut de musicien "sérieux", mais aussi comme l'acceptation que, une fois largués ses deux acolytes, "être punks, c'était juste pour faire semblant" ! Et ces envolées moyenâgeuses qui m'avaient intriguées, je les trouve désormais péniblement studieuses, comme un boulet aux pieds de chansons pop qui ont encore, néanmoins, un peu de la grâce légère de Police... Et quand le groupe, exagérément virtuose, qui accompagne Sting, se perd dans des digressions jazz très chics, j'attends que la voix éraillée, encore touchante, du chanteur me ramène pour un temps aux délices de "Reggatta de Blanc". Alors, oui, "The Dream of the Blue Turtles" est bien un album de transition, déjà imparfait, parfois enchanteur, parfois pesant, entre la discographie quasi impeccable d'un grand groupe populaire, et la "carrière" à la dérive d'un artiste pompeux et à bout de souffle.