Révisons nos classiques : "Don Juan DeMarco" de Jeremy Leven (1995)
"Don Juan deMarco" est un drôle de film, puisqu'il est honnêtement assez peu défendable avec son atmosphère kitsch, très "Collection Harlequin", et qu'il se révèle pourtant absolument irrésistible avec son romantisme échevelé et de sentimentalisme sans retenue. A priori, il bénéficie d'un sujet impeccable, qui, en des mains plus expertes, ou avec un producteur plus ambitieux, aurait pu donner un grand film conceptuel : l'affrontement entre la réalité - incontournable mais mortifère - et les rêves - facilement risibles, mais finalement salvateurs - passe par la croyance - ou non - en la légèreté et en le triomphe des sens. Le (seul) coup de génie de Jeremy Leven, c'est le casting, impeccable : le jeune Depp, icône sensuelle qui ne craint pas le ridicule, et virevolte comme une réincarnation d'Errol Flynn, entraînant dans son irrésistible sillage le massif Marlon Brando - qui ne sait d'ailleurs pas trop quoi faire de ce rôle inhabituel et minaude sans vergogne, tandis que Faye Dunaway bouleverse en femme vieillissante qui irradie une lumière purement cinématographique. Quand "Don Juan deMarco" se termine, sur une scène aussi ringarde (on s'enlace et on danse dans le soleil couchant sur la plage, le genre...), on est surpris de se sentir profondément touché, prêt à renouveler notre croyance aveugle - non pas aux forces du romantisme - mais en celles du cinéma.