"Black Doves" de Joe Barton : fast horses ?
C’est une évidence : les Britanniques sont imbattables en « espionnage ». Oh, sans doute pas dans « la vraie vie », la CIA leur rendant des points et le Mossad mettant régulièrement tout le monde d’accord quand il s’agit de faire exploser des pagers, mais au moins dans le monde – bien plus séduisant – de la fiction. Et on ne vous parle pas ici des grossièretés très « américanisées » à la James Bond, mais bien du génial héritage de l’intouchable John Le Carré. Et d’ailleurs, cette supériorité de la télévision de Sa Majesté (pardon, on ne dit plus comme ça, mais c’est pourtant tellement classe !) sur le reste de la planète, est proclamée en ce moment deux fois par an par chaque nouvelle saison de Slow Horses, non ?
Il était de bonne guerre que Netflix vienne nous offrir pour les Fêtes de fin d’année une jolie mini-série d’espionnage (d’ailleurs immédiatement transformée en « vraie série » par ses producteurs ravis de leur « produit ») britannique, pour ramasser la mise en une période de l’année où les cerveaux gavés de gras et de sucre sont mis sur le mode « pause ». Ce qui, évidemment et malheureusement, veut dire que l’intelligence de son sujet et la qualité de sa narration ne seront pas la priorité de Joe Barton (qu’on a connu plus subtil avec son joli Giri / Haji). Black Doves a été conçue pour brasser des sujets à la mode (la menace chinoise, l’entrée dans l »arène géopolitique des grandes mafias criminelles), pour aligner les scènes de violence spectaculaire, et saupoudrer le tout de cet « english acting » de haute qualité que l’on adore tous. Avec, cerise sur le gâteau, le retour au premier plan d’une actrice populaire, Keira Knightley, positionnée pour le coup sur les Grammy Awards. Inutile donc de s’attendre à un miracle, il n’y en aura pas, mais on restera du bon côté du divertissement agréable, un peu anodin, parfait pour la fin d’année, avec une dose suffisante de « british sense of humour » pour épicer la recette. Le tout filmé dans un Londres moderne, riche et clinquant qui cherche à se positionner comme première capitale européenne et regagner des points sur Paris après le succès des JO.
Helen (Keira Knightley, égale à elle-même) est l’épouse de Wallace Webb (Andrew Buchan, parfait « doudou ») de l’une des étoiles montantes du gouvernement britannique, mais elle est aussi une « espionne » à la solde d’une organisation à but lucratif revendant des secrets au mieux offrant, organisation qu’elle approvisionne grâce à son accès à l’ordinateur de son naïf de mari. Elle travaille en duo avec un tueur à gages de la même organisation, Sam (Ben Whishaw, de loin le meilleur interprète à l’œuvre ici, dans un rôle d’ailleurs complexe et plutôt intéressant), pour résoudre le mystère de l’assassinat de son amant, alors même que le monde politique s’emballe suite à la mort suspecte de l’ambassadeur de la Chine à Londres.
A partir de ce point de départ qui requiert déjà pas mal de crédulité du spectateur (bon, certain d’entre nous rêvent sans doute de se faire recruter un jour comme espion ou tueur à gages, simplement sur notre bonne tête…), le scénario de Black Doves va se permettre pas mal de fantaisies, débouchant sur des situations tendues, voire explosives – il y a une pléthore de scènes d’action dans les 6 épisodes, dont nos héros se sortent toujours sans encombres : un joli divertissement si l’on veut bien ne pas se préoccuper trop de la logique de cette histoire. Le comble est d’ailleurs atteint avec une intrusion de Helen dans l’ambassade des USA, dans laquelle on entre et on se déplace comme dans un moulin, tout au moins jusqu’à une conclusion assez fainéante dans un dernier épisode qui fait pshiiit : on remarque d’ailleurs que, comme c’état d’ailleurs une jolie tradition britannique chez Agatha Christie, la révélation du mystère de la mort de l’amant de Helen est faite sur un mode narratif étonnamment artificiel par l’un des protagonistes. Comme si Barton et ses scénaristes n’avaient pas trouvé la manière de faire découvrir la « vérité » d’une autre manière à leur héroïne.
Une partie importante de Black Doves a été d’ailleurs consacrée à la triste histoire d’amour de Sam, dont le métier – bouh ouh ouh – s’est mis en travers de sa félicité conjugale, tandis que les doutes de Helen sur sa félicité conjugale avec son « doudou » viennent aussi occuper la plateau. Bref, rien de très audacieux là-dedans, mais rien non plus de grave pour quiconque cherche une distraction amusante et anodine.
Maintenant, le fait que cette histoire se poursuive dans une seconde saison n’a rien pour nous réjouir. Et nous aurons certainement la dent un peu plus dure la prochaine fois…