"Disclaimer" d'Alfonso Cuarón : Paroles de femmes et pouvoir de la fiction...
Tiens, commençons par une évidence qui n'a pas forcément grand chose à voir avec la réussite de Disclaimer : Alfonso Cuarón est un formidable metteur en scène, qui nous avait manqué depuis son très réussi Roma. On retrouve d'ailleurs dans Disclaimer une impressionnante scène dans la mer qui fait écho à une scène similaire dans Roma...
Bon, au delà de sa mise en scène remarquable, la grande force de Disclaimer, c'est l'intelligence de sa narration et de son scénario (tiré d'un roman de Renee Knight), qui malmène le téléspectateur comme il a peu l'occasion de l'être, avant de l'achever par un épisode final qui le pousse à une remise en question aussi radicale qu'inattendue de ses propres préjugés. Disclaimer peut être vu comme un film politique de notre époque #MeToo, un film qui pointe une vérité très dérangeante, et pas seulement pour les chantres de plus en plus agressifs de la défense de la masculinité : la voix des femmes reste largement ignorée, même par ceux qui "veulent leur bien".
Disclaimer n'est pas pour autant une série "féministe", ce serait à la fois trop simple, trop... grossier : il nous offre une paire de scènes extrêmement dérangeantes sur la manière dont un abus sexuel peut également être perpétré par une femme sur un (tout jeune) homme. Et, plus loin, il ne cache pas combien l'amour d'une mère pour son fils peut être inhumain, à force d'aveuglement (un aveuglement qui tient évidemment du mensonge que l'on se fait à soi-même).
Mais Disclaimer est aussi une réflexion sur le pouvoir de la fiction, qui lorsqu'elle est bien agencée, peut nous manipuler et nous faire croire à peu près à n'importe quoi, en dépit même de ce que nous savons être vrai.
Et là où Alfonso Cuarón et son équipe triomphent totalement, c'est lorsqu'ils font en sorte que leurs sujets s'entremêlent sans se contredire, et au contraire, en se complétant, s'enrichissent mutuellement.
On sort donc du visionnage de Disclaimer profondément bouleversé, mais aussi plus intelligent : c'est une œuvre qui secoue fort, mais c'est pour nous faire mieux réfléchir sur nos propres biais, nos propres comportements. Pour nous réveiller.
Bon, il serait injuste de ne pas mentionner que Disclaimer est une telle réussite aussi grâce à ses acteurs : Cate Blanchett, Kevin Kline (qu'on est heureux de revoir !) et Sacha Baron Cohen sont tous trois magistraux, ne tombant jamais dans la facilité, dans les clichés. Capables de nous toucher tout en peignant des personnages régulièrement antipathiques... : tellement humains !