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Le journal de Pok
20 octobre 2024

"Une rose seule" de Kan Takahama : l’amour. Et puis la mort.

L’histoire de Une rose seule fait curieusement écho à l’adaptation en série TV du manga Les gouttes de Dieu : une jeune femme française débarque au Japon pour recueillir l’héritage auquel la mort de son richissime père – qu’elle ne connaissait pas – lui donne droit. Et à partir de là, elle va « se découvrir » au contact de la culture japonaise, mais également d’un homme face auquel elle va peu à peu baisser la garde. Bon, ici, le révélateur n’est pas l’œnologie, mais l’Art beaucoup plus japonais de la construction de temples et de jardins, qui permettent un accès à une vérité de l’âme qui ne nous est pas si facile, à nous, Occidentaux. Soit quand même un bon gros cliché pour lequel on n’a pas a priori grande sympathie…

… mais qui, curieusement, ici, fonctionne à plein, au point de nous plonger à la fin de cette belle histoire – plutôt romantique, finalement -, dans un torrent d’émotions ! N’ayant pas lu le roman de Muriel Barbery, il nous est impossible de distinguer a priori ce qui vient de celui-ci (même si un beau texte en épilogue de Barbery détaille son attachement profond pour certains lieux de Kyoto, et en particulier un bar – qui n’apparaît d’ailleurs pas dans Une rose seule…), et ce qui reflète son appropriation par Kan Takahama, une grande artiste japonaise de BD (on fait attention pour une fois à ne pas utiliser le terme de « manga », pour ne pas faire fuir ceux qui considèrent – à tort – ce genre réservé aux adolescents)… Mais on est prêt à parier que si le résultat de cet assemblage de talents donne un résultat aussi impressionnant, c’est que la fascination occidentale, inévitablement superficielle – pour les rituels japonais – le thé, le saké, les jardins, etc. – est enrichie par la compréhension profonde de Takahama de leurs enjeux et leurs significations : Une rose seule dépasse les clichés de l’exotisme et de l’incompréhension entre cultures, d’ailleurs joliment raillés par le personnage peu sympathique de Rose, héroïne dépressive et grincheuse, réticente comme le lecteur peut l’être face au déploiement de « beauté » et de « sagesse » devant lequel son père décédé a prévu de la placer.

Le trajet de Rose, vers une révélation intime qui la bouleversera profondément, lui permettra de retrouver la force de vivre qui l’avait quittée depuis des années, est ainsi synchrone de celui du lecteur : de l’idiosyncrasie frôlant l’arrogance de la culture nippone à l’universalité du vertige devant le vide existentiel et la cruauté de la mort, nous comprendrons que l’infinie dureté de la vie est notre fardeau ordinaire. En regardant les fleurs (chaque chapitre faisant référence à une d’entre elle) plutôt que l’abîme à nos pieds, nous comprenons qu’il n’y a que deux choses dans la vie : l’amour, et puis la mort.

Formellement splendide, ce livre, inspiré et inspirant, se trouve à la croisée des styles graphiques nippon et franco-belge, un peu à la manière d’un Jiro Taniguchi, ce qui ouvre un univers fascinant d’échos entre les deux cultures. Dont il ne faut surtout pas se priver.

 

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