"Les Anneaux de Pouvoir - Saison 2" de Patrick McKay et John D. Payne : pour Sauron et Adar…
Après la catastrophe qu’avait été la première saison des Anneaux de Pouvoir, prequel du Seigneur des Anneaux basé (très vaguement, quand même) sur des textes de Tolkien racontant l’histoire – antérieure à son « grand oeuvre » – de la Terre du Milieu, sur lequel les Studios Amazon avaient investis beaucoup, il n’était que peu probable qu’une seconde saison voie le jour. Pourtant, alors que les auteurs et acteurs des Anneaux de Pouvoir se répandaient en protestations quant à l’annulation potentielle de leur série, deux ans plus tard, Prime met en ligne 8 nouveaux épisodes, poursuivant la saga de l’ascension de Sauron au pouvoir dans le Mordor. Est-ce une bonne chose ? Il est difficile d’avoir un avis tranché, tant cette fois, on passe à côté d’un désastre, sans pour autant arriver à la cheville de la trilogie de Peter Jackson…
John D. Payne, Patrick McKay et leur équipe de scénaristes nous offre une entrée en matière intéressante, revenant aux origines – très fantastiques, pour le coup, voire dignes d’un conte de fées – de l’incarnation de Sauron sous les traits de Halbrand (Charlie Vickers, plutôt convaincant dans un rôle plein d’une riche ambigüité, qu’il habite de belle manière). Ce retour au début de l’histoire est efficace, et introduit surtout l’un des éléments de scénario lesplus réussis de la saison, qui est la trajectoire de Adar (Sam Azeldine, très bon lui aussi), le personnage le plus intéressant à date de la série : chef « paternaliste » des Uruks, il mène son propre combat contre Sauron, et hésite entre mener sa mission seul à la tête de son armée, ou accepter des alliances « contre nature » avec les elfes. Et il faudra attendre l’avant dernier et le dernier épisode de la saison, probablement les deux meilleurs de toute la série, pour connaître le dénouement de ce fil scénaristique…
… Au point que, entre le premier épisode (Elven Kings Under the Sky) et les deux derniers (Doomed to Die et Shadow and Flame), on trouve régulièrement le temps long, et on soupire de devoir « perdre du temps » avec la rencontre de « l’étranger » avec Tom Bombadil et avec le Dark Wizard (avant une révélation finale bien éventée !), avec les démêlés familiaux entre Durin et son père littéralement « possédé » par son anneau, avec les conflits politiques au royaume de Númenor, et surtout avec les pérégrinations sans queue ni tête de Galadriel (Morfydd Clark, qui peine à donner vie au personnage le moins intéressant de la série) et d’Elrond. Sans même parler de passages soporifiques avec des personnages secondaires dont on peine à comprendre l’intérêt (Arondir, Nori et Poppy, etc.). C’est-à-dire beaucoup trop de personnages, d’intrigues et de lieux différents qui obligent la série à aller et venir entre eux, se condamnant de ce fait à de véritables montagnes russes en termes d’intérêt.
On comprend qu’il eût été difficile de sacrifier certains de ces fils narratifs que la première saison avait pris le temps de tisser, mais une telle décision, courageuse, aurait certainement permis à ce Les Anneaux de Pouvoir d’être bien meilleur. Le sujet fondamental de la création des anneaux par Celebrimbor, sous l’emprise de Sauron (qui va en devenir « le Seigneur », rappelons-le à ceux qui n’ont pas lu, les pauvres, Tolkien) devrait être le seul second pôle sur lequel cette saison se concentre, car elle permet de réellement poser les bases de l’histoire du Seigneur des Anneaux, tout en construisant progressivement le personnage passionnant de Sauron.
Ne nous appesantissons pas sur les faiblesses de la mise en scène, évidemment loin de l’intelligence et de la force de celle de Peter Jackson, mais comment ne pas en parler quand on regarde à demi concerné par ce qui se passe à l’écran, la grande bataille du siège d’Eregion par les orques, et qu’on repense à son équivalent dans le Seigneur des Anneaux ?
Pour finir, admettons que la question du raccord entre la série et le Seigneur des Anneaux est considérée comme essentielle par les showrunners, qui tentent d’éviter de tomber dans un certain « fan service » probablement inévitable. Mais comment empêcher qu’on ne se fasse aucun souci pour la survie de personnages dont on connaît l’avenir (le comble étant atteint avec la chute vertigineuse de Galadriel à la fin), ou que, au contraire, on relève de possibles incohérences (quid par exemple des rapports entre Gandalf et le Dark Wizard ? A moins bien sûr qu’il ne soit pas Saroumane…) ?
A l’heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si une troisième saison est totalement confirmée, mais il nous faut admettre que nous aimerions désormais avoir la conclusion de tout cet imbroglio.