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Le journal de Pok
22 septembre 2024

"The Fortress" de John Kåre Raake : le mur et les mensonges

Une chose est certaine, c’est que notre actualité anxiogène de ces dernières années est riche en idées pour les scénaristes de séries en panne d’imagination, et ceux de The Fortress (ou plutôt « Forteresse Norvège » dans son bien plus beau titre original), la dernière création Viaplay venue du Nord ont chargé la barque sans aucun état d’âme. Entre la montée de l’extrême-droite, la haine des migrants accusés d’amener avec eux tous les maux de la planète, la crainte d’une pandémie plus destructrice que le Covid, les questions posées par l’alimentation de masse alors que la démographie galope, le désir d’autosuffisance énergétique, les catastrophes climatiques à notre porte, l’IA utilisée comme outil de contrôle des populations et des dissidents, les tendances isolationnistes, John Kåre Raake et son équipe ont décidé de ne pas choisir et de tout faire rentrer au chausse-pied dans 7 épisodes de 45 minutes, qui plus est habités par un bon nombre de personnages !

Dans un peu plus d’une dizaine d’années, alors que la planète est quasiment entièrement ravagée par les crises climatiques, les mouvements de populations, et que la démocratie s’effondre un peu partout, l’extrême-droite a pris le contrôle de la Norvège, petit pays auto-suffisant énergétiquement, et a fait construire un mur pour empêcher l’immigration incontrôlée : seuls les professionnels ultra-qualifiés dont le pays a besoin peuvent pénétrer sur le territoire, alors que la Norvège s’enorgueillit d’une stabilité et d’une qualité de vie devenues rares. Le problème du pays est de nourrir sa population, un domaine dans lequel la Norvège est loin d’être auto-suffisante. Alors quand une maladie décime les élevages de saumon, source irremplaçable de protéines, la priorité est de développer un vaccin pour les poissons, de toute urgence. Peu de temps après, une mystérieuse épidémie se répand dans la région de Bergen, et pose rapidement la question de la réouverture ou non des frontières pour recevoir de l’aide de l’extérieur…

La série commence plutôt fort, avec trois épisodes qui servent principalement à présenter le contexte géopolitique, les multiples défis à relever par le gouvernement isolationniste (et son premier ministre auquel le pouvoir a visiblement tourné la tête), par ses scientifiques, dont une géniale chercheuse immigrée, et par sa police aux tendances fascisantes pour contrôler l’intégration des rares étrangers dans les unités de production de nourriture, où ils sont employés comme travailleurs esclavagisés. Mais peu à peu, on se rend compte que les personnages sonnent creux, que leurs comportements manquent de cohérence, que les coïncidences se multiplient pour faire avancer la fiction, que le récit a plus de trous qu’un gruyère suisse, et que la tension est à peu près absente. Ce qui fait que, peu à peu, on se détache de The Fortress, au point de ricaner bêtement devant l’accumulation de maladresses (comme cette relation amoureuse à la quelle on ne croit pas une seconde entre une ministre et une jeune responsable de la communication).

Ces défauts rédhibitoires d’écriture condamnent la série à frôler par instants le nanard, ce qui est vraiment dommage car la partie thriller (qui est responsable de l’épidémie ? quels sont ces groupuscules aux agissements mystérieux ? etc.) pourrait s’avérer réellement anxiogène, tandis que, évidemment, les dilemmes politiques et moraux sont fort pertinents. On pense par exemple à la fin de non-recevoir reçue de la part de l’OMS quand la Norvège finit par demander de l’aide, soit un choix scénaristique osé, voire polémique, ou encore à la conclusion, à notre avis très réussie – alors que les téléspectateurs ont visiblement tiqué devant son « réalisme » : pas de happy end béat, pas de victoire claire du bien sur le mal. Pire, on ne sait plus très bien, finalement, où se situent le bien et le mal dans certains cas !

Il est donc bien dommage que tant d’idées, de concepts intéressants s’avèrent gâchés par des maladresses d’écriture, voire quelques fois de direction d’acteurs et de mise en scène. Tiens, on dirait presque par moment qu’on a affaire à une série télévisée française de bas niveau…

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