"La terre des femmes" de Ramón Campos, Paula Fernández, Teresa Fernández-Valdés et Gema R. Neira : piquette catalane
Lorsque débute La terre des femmes, co-production hispano-américaine, largement filmée en Catalogne, écrite et interprétée principalement par une équipe espagnole, tous les signaux sont aux verts : voici l’histoire, terriblement convenue mais plaisante, d’une femme de la haute société new-yorkaise obligée de fuir les dangereux créanciers de son mari qui s’est volatilisé, et se réfugie dans un petit village de Catalogne d’où sa mère est originaire, en compagnie de celle-ci (qui commence à souffrir d’Alzheimer) et de sa fille. En résulte un inévitable et violent choc culturel, entre la rudesse des paysans (paysannes, surtout) tentant de développer leur production de vin local, et nos états-uniennes sophistiquées et peu habituées à ce genre de vie.
Bref, il n’est pas difficile d’imaginer ce qui va se passer : les citadines vont tomber sous le charme de la « vraie vie », une idylle contrariée va se nouer avec un viticulteur local, et quelques péripéties policières vont s’ajouter quand les hommes de mains des créanciers vont débarquer dans le village. Bien ! Nul ne trouvera rien à redire à ce genre d’histoire, vue, revue et re-revue cent fois, mêlant comédie de mœurs et rom com, idéale pour ces mois d’été où l’on ne va pas trop se triturer les méninges. Et ce d’autant que la Catalogne est bien belle, et que, après les Gouttes de Dieu, avoir le vin et sa production au centre d’une autre série est réjouissant…
Malheureusement, très rapidement, on se rend compte que RIEN ne fonctionne dans La terre des femmes : Eva Longoria, dont on gardait un bon souvenir, évidemment, de l’époque Desperate Housewives, n’arrive jamais à incarner le personnage de Gala, peut-être embarrassée par sa maîtrise très limitée de la langue espagnole ; on ne croit pas une seconde à aucun des multiples rebondissements d’une intrigue qui n’hésite jamais à accumuler les clichés ; la partie « œnologique » de l’histoire est une véritable fumisterie, voire une hérésie que seuls les téléspectateurs états-uniens pourront gober (on peut faire un grand vin en assemblant une piquette avec des résidus de vins de table datant des années précédentes, apparemment !) ; les péripéties « policières » sont plus pitoyables qu’autre chose ; et il n’y aucune alchimie entre Longoria et Santiago Cabrera qui puisse nous permettre d’imaginer la moindre romance entre deux personnages qui n’arrivent même pas à se chamailler de manière crédible…
D’épisode en épisode, la série s’enfonce dans la médiocrité, et se révèle incapable de tirer quoi que ce soit de « vivant » d’une multitude de sujets potentiels : on pense par exemple au personnage de la fille transgenre, rejetée durant cinq minutes par les villageois traditionnels, mais qui ne porte aucune réflexion par elle-même sur un statut qui est pourtant encore loin d’être toléré, n’en déplaise aux anti-wokes ! On s’amusera à la rigueur du personnage de la maman, Julia, ex-croqueuse d’hommes qui a gardé un inaltérable appétit de vivre, et qui permet à Carmen Maura de rappeler, tout sourire, au reste du casting ce qu’est être une bonne actrice.
Pour le reste, manquant totalement de rythme – ce qui est mortel pour une comédie -, de saveur et de corps, la terre des femmes est une véritable piquette.