"50th Anniversary Live in NYC – Second Night" du Blue Öyster Cult : tyrannie et mutation, plus que jamais
Alors que le Blue Öyster Cult entame la dernière partie de sa trajectoire, l’heure n’est malheureusement plus à l’innovation : leur dernier album original, magnifique, The Symbol Remains, n’aura a priori pas de successeur. Un Ghost Stories, particulièrement décevant, avait raclé les fonds de tiroir au début de cette année, et nul fan n’aurait souhaité que la discographie de l’un des plus grands groupes de « hard rock » (aujourd’hui qualifié de « classic rock ») se termine sur un tel album. Heureusement, ce ne sera pas le cas puisqu’il reste deux albums live plus que notables à publier !
Car en septembre 2022, pour célébrer ses cinquante ans d’existence, le BÖC a offert à ses fans le formidable cadeau d’une trilogie de concerts (évidemment sold out) au Sony Hall de New York : chaque concert a débuté par l’interprétation intégrale et dans l’ordre des titres de l’un des trois premiers albums. Même si, de la grande époque, ne restent dans le line up qu’Eric Bloom (guitariste rythmique et chanteur, de moins en moins souvent il est vrai, vus ses problèmes de voix...) et Buck Dharma (guitariste soliste virtuose), il est difficile honnêtement de faire la fine bouche. Qui plus est, l’indispensable Albert Bouchard (batteur et co-auteur des plus grands titres de l’histoire du groupe, et récemment responsable de l’édition d’une étonnante version en trois disques du concept Imaginos) a participé à chacune de ces trois soirées. La première nuit a fait l’objet d’une publication en 2023, et c’est maintenant le tour du « gros morceau », la recréation de Tyranny and Mutation, énorme album ayant marqué son époque, de sortir en streaming, CD et DVD. Un live forcément immanquable, que l’on soit aficionado du groupe, ou au contraire néophyte et souhaitant découvrir l’un des joyaux méconnus de l’histoire du Rock.
Adoubé par un Yves Adrien qui délirait en 1973 sur l’aspect visionnaire du groupe, qui anticipait la dictature orwellienne de 1984, Tyranny and Mutation était en effet un album hors du commun, littéralement mutant : d’un côté, des tueries impitoyables (The Red and the Black, Hot Rails to Hell), de l’autre de jolis délires pop psychés (y compris la merveilleuse et très sous-estimée Mistress of the Salmon Salt qui concluait en beauté le disque), et au milieu un morceau heavy presque « prog rock » dans sa complexité (7 Screamin Diz-busters). Son interprétation, un demi-siècle plus tard, s’écarte curieusement (?) de l’esprit froid et jusqu’au-boutiste de l’époque, et met plutôt en valeur la richesse mélodique et la complexité des compositions. Le fait que les vocaux soient plus en avant qu’à l’origine permet en outre de mieux écouter les paroles, en général bien barrées de ce grand « concept album » paranoïaque.
La seconde partie du concert permet, comme c’est normalement le cas dans ce genre d’événement, de passer en revue les morceaux les plus célèbres et / ou les plus aimés de l’histoire du groupe. Des chanson évidentes – trop, peut-être ? -, ou en tout cas pour lesquelles nous disposons déjà de multiples versions live, dont certaines de la « grande époque », souvent supérieures à celles proposées ici : Burnin’ For You (le seul réel succès commercial du BÖC), E.T.I. (ici particulièrement grandiose, il faut quand même l’avouer), Godzilla (enrichi cette fois par des vocaux « à plusieurs » qui lui vont bien), Don’t Fear The Reaper (parfait, bien entendu), Cities on Flame With Rock’n’Roll en final magistral. Heureusement, la setlist est aussi constituée de titres plus originaux : deux extraits de The Symbol Remains (Box In My Head, That Was Me), et pas mal de morceaux rarement interprétés. C’est ainsi que, après un Lips in the Hills bien heavy qui fait plaisir à entendre (Cultösaurus Erectus restant un autre sommet de la discographie du BÖC, d’ailleurs ici également représenté par le pop et mélodieux Unknown Tongue), on entendra un Perfect Water peu prévisible (extrait du très oubliable Club Ninja), certes mou, mais pas si mauvais que ça. Les rares Tenderloin (une belle composition du regretté Alan Lanier, pas chantée ici par Bloom et alourdie de synthés un peu ringards), et Tatoo Vampire, mais surtout The Revenge of Vera Gemini – malheureusement sans Patti Smith (et c’est bien dommage, où était-elle ce soir-là ?) – rappellent que Agents of Fortune était un excellent disque en dépit de la rupture amorcée avec l’héritage « metal » du groupe en faveur d’une musique plus « californienne ».
Globalement, comme toujours avec le Blue Öyster Cult, l’interprétation est impeccable, la guitare de Buck Dharma nous offrant les plus beaux moments du set. Même la voix, fatiguée on le sait, d’Eric Bloom, tient la plupart du temps la route… au moins quand il chante ! Car il a arrêté de chanter pas mal de morceaux, ce qui pourra décevoir les fans les plus hardcore du groupe !
Il est évidemment difficile, sans le recul nécessaire, de juger où se classera au milieu de la liste déjà impressionnante d’albums live du Blue Öyster Cult ce 50th Anniversary Live in NYC – Second Night, mais il indiscutable qu’il nous offre une bonne ration de moments musicalement magnifiques. Loin de toute nostalgie déplacée, il prouve que le BÖC sera resté jusqu’au bout un groupe remarquable, avant tout d’ailleurs par l’exceptionnelle qualité de ses compositions.