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Le journal de Pok
18 juillet 2024

"Santosh" de Sandhya Suri : la femme est l'avenir de l'Inde...

Une fois de plus, ne croyez pas ce qu’on vous dit pour vous attirer dans les salles obscures bien vides cette année : Santosh n’a rien d’un thriller. Certes, il s’agit d’une enquête policière menée par Santosh (fascinante Shahana Goswami, toute en retenue, observatrice consternée des dérives insupportables de la société indienne actuelle), jeune veuve ayant « hérité » du poste de son mari policier, tué dans une émeute : le corps d’une adolescente appartenant à une caste d’intouchables, violée et assassinée, est retrouvé dans le puits de son village. Et la police est sommée de trouver un coupable le plus vite possible, musulman si possible : Santosh, pleine de bonne volonté et infiniment sérieuse, mais surtout guidée par la cheffe de la police, une forte femme aux convictions féministes claires, part à la recherche de Saleem, avec lequel l’adolescente a échangé des SMS, et qui s’est volatilisé.

Mais le rythme du film, lent et s’appliquant à montrer les visages, les corps, les vies de tous les personnages, principaux, secondaires ou simples silhouettes traversant l’écran, la simplicité d’un scénario qui refuse tout mystère, le choix fait par Sandhya Suri d’une image à la fois très belle et foncièrement réaliste, l’absence de musique, tout confère à désamorcer la tension typique d’un polar, pour conjuguer d’une jolie manière crédibilité du documentaire et implacabilité de la tragédie. Pas de suspense, une violence réduite à une seule scène, très longue, très éprouvante, et une « révélation finale » qui n’est pas un « twist » mais une évidence : non, Santosh ne satisfera guère notre goût pour la distraction, mais nous plongera par contre dans une confusion féconde. Aucun manichéisme ici, en particulier grâce au formidable personnage de la cheffe de la police, qui réussit à rester une sorte de phare guidant la trajectoire de la jeune policière tout en étant absolument condamnable pour ses choix moraux.

Quant au portrait de la société indienne, il est terrible : si la situation des castes traditionnelles n’a pas progressé au cours des dernières décennies qui ont pourtant vu l’Inde devenir une puissance économique de premier plan, si la corruption du système reste omniprésente, incontournable, la violence semble s’être aggravée du fait des tensions entre la population hindoue et la minorité musulmane. Quant à la place de la femme, en particulier en ce qui concerne son accès à des postes de pouvoir, elle reste très fragile, et soumise aux aléas de comportements machistes omniprésents qui nous semblent d’une autre époque.

Très sombre, avec des pics émotionnels puissants assurés par une paire de scènes fortes en dépit de la « neutralité » trompeuse de la mise en scène, Santosh se termine, superbement d’ailleurs, de manière « positive » : pas par un happy end, certes, puisque Sandhya Suri n’évite pas le constat que nul ne peut « garder les mains propres » dans une société en complète déliquescence, mais sur la certitude que se battre pour une Inde plus juste, meilleure, est le seul choix possible pour Santosh. Et pour des milliers de jeunes femmes comme elle, qui sont l’honneur et l’avenir de ce pays-continent.

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