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Le journal de Pok
25 juillet 2024

"Caricature" (réédition) : le meilleur de Daniel Clowes

Avant de parler de Caricature, dernière réédition d’une œuvre de Daniel Clowes dans la collection La bibliothèque de Daniel Clowes (Delcourt), il n’est pas inutile de souligner – ce que nous n’avons pas encore fait ici – combien cette réédition de comics déjà publiés, parfois à plusieurs reprises, en France, est convaincante du point de vue qualité « technique » : nouvelle traduction – remarquable -, nouveau lettrage, beauté de « l’objet »… le tout étant au service de l’un des grands auteurs contemporains de Bande Dessinée, il n’y a rien à redire…

… Mis à part peut-être reconnaître que certaines œuvres précoces de Clowes nous ont parfois fatigués (déçus ?) : ses portraits à charge – régulièrement très méchants – contre le milieu dont il vient, le microcosme artistico-intello US, ainsi que le secteur des comics, même empreints d’une salutaire auto-dérision, se révélaient asphyxiants, sans doute trop « spécifiques », pas assez « universels » pour nous passionner. Là où Clowes est GRAND, c’est quand il prend de la hauteur et nous offre des satires sociales de la société US, pour la plupart pertinentes également de ce côté de l’Atlantique. Et des portraits psychologiquement très fins d’individus de tout âge, de toute condition sociale, au proie à un mal-être existentiel qui nous semble bien proche du nôtre.

Dans ces deux registres, les neuf histoires (huit provenant de la série Eightball, et une ayant été publiée par la revue Esquire) de Caricature sont toutes remarquables, et rappellent l’indiscutable génie de l’auteur. Mais soulignent aussi sa versatilité, plus riche qu’on ne le pense en général. Le formidable récit d’ouverture, qui donne son titre à l’ouvrage, est une merveille d’écriture et de complexité, un pur chef d’œuvre d’analyse psychologique et de noirceur désabusée en 16 pages parfaites. A l’autre bout du spectre, La maman dorée est un affolant vertige existentiel, pas si loin du travail de Lynch. Comme du chiendent, Joe, reprend un portrait assez classique des troubles adolescents, de la confusion des sentiments typiques de cet âge, avec un mélange de nostalgie et d’humour acide qui fait mouche. On peut parfois trouver que Clowes pousse le bouchon de l’abstraction un peu loin, comme dans les trois chapitres de Gynécologie, qui désoriente à la première lecture : pourtant, le relire plusieurs fois ouvre des perspectives de prime abord insoupçonnées.

Tout cela compose un ouvrage remarquable, qui se révèle finalement, au delà de sa charge satirique, un portrait contrasté et ambigu de l’auteur lui-même. On attend avec impatience les volumes suivants.

 

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