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Le journal de Pok
14 juillet 2024

"Autreville" de David De Thuin : le passé n’est plus ce qu’il était !

Il faut bien reconnaître qu’à première vue, Autreville, la nouvelle BD de David De Thuin, n’est pas très engageante : comment, en effet, ne pas être gêné, pour ne pas dire choqué, par le fait que les personnages d’Autreville sont des copies conformes – dans un style graphique différent, certes, mais sans doute pas suffisamment – de ceux auxquels Lewis Trondheim nous a habitués dans sa série Lapinot, par exemple ?

Et le point de départ de l’histoire d’Autreville étant les retrouvailles d’anciens amis séparés par la vie, on a bien l’impression, dans les premières pages au moins, que l’on va avoir droit – hormis la différence de dialogues plus littéraires, moins « réalistes » – à une histoire de conflits et de réconciliation (ou non) entre couples, célibataires, etc. parsemée de commentaires sociétaux pertinents et amusants, comme celles qui ont fait la réputation de Trondheim. Mais c’est une fausse piste, car Autreville, ça devient toute autre chose… Et quelque chose d’absolument passionnant.

Stéphane est parti vivre depuis des années « dans le Sud », loin de son « Nord » et surtout de la petite ville d’Autreville, où il a laissé ses amis d’enfance : Rudy et Grace, en couple depuis toujours, et Etienne, un original plutôt antipathique. Seul Luc est venu le rejoindre, à la mort tragique de sa femme. Luc et Stéphane décident un jour de partir « en pèlerinage » sur les lieux de leur enfance, de retrouver leurs anciens amis,… cela juste où moment ou un serial killer sévit dans les villages voisins d’Autreville…

… Et cet angle de « thriller » (de faux thriller, en fait) va faire basculer vers « autre chose » le récit convenu – très français, d’ailleurs, il suffit de voir le nombre de films populaires consacrés au sujet – de bandes de potes se retrouvant alors qu’ils sont adultes, voire vieillissants. Peu à peu, une atmosphère étrange, malaisante, voire malsaine s’installe, caractérisant une dégradation croissante des relations, mais nous rappelant aussi que la réalité correspond très rarement à nos souvenirs, ou même à l’idée que nous nous en faisons… Jusqu’à un final à la fois déstabilisant et parfaitement logique. Mais surtout cruel. Qui fait que nous refermons Autreville avec le sentiment inhabituel d’avoir fait un drôle de voyage, dans un monde si semblable au nôtre que nous nous posons forcément des questions sur nos propres souvenirs, sur notre attachement à un passé et à des relations qui ne sont peut-être pas ce que nous imaginons.

C’est très fort (et très distrayant aussi, admettons-le…).

 

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