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Le journal de Pok
17 mars 2024

"Dune – Deuxième partie" de Denis Villeneuve : Une forme mortifère d'un cinéma désormais dépassé ?

Le premier problème de Dune - 2ème partie est que la presse internationale, relayée par les réseaux sociaux, nous avait juré qu'il s'agissait du plus grand film de SF jamais réalisé, d'un pur chef d'œuvre, bla bla, ce qui a le chic pour nous mettre à peu près tous, nous cinéphiles, de mauvais poil. Le plus grand film de SF jamais réalisé reste pour nous 2001 l'Odyssée de l'Espace, et risque de le rester pour longtemps. Et même la place, plus modeste, de meilleur film de SF de Denis Villeneuve était assez improbable, tant on voit mal comment il pourra jamais faire mieux que son Premier Contact...

Le second problème, qui n'est pas cinéphilique, mais plutôt propre aux lecteurs acharnés de SF dont nous avons fait longtemps partie, est que la plus grande originalité de Dune, le bouquin de Franck Herbert résidait dans son aspect "visionnaire", dans la présentation d'un écosystème complet, celui de la planère Dune, qui ne fonctionne parce que chacun y joue son rôle, et que tout y est éternellement recyclé, dans une approche "écologique" réellement intégrée. Or, soit ce sujet n'intéresse pas Villeneuve, soit les producteurs ont décidé qu'ils ne mettraient pas leur argent dans ce genre de discours politique. Ne reste donc dans le scénario qu'un fatras de conspirations politiques et d'embrouilles familiales déjà amplement pompées par Lucas dans son Star Wars. Et puis des scories des pensées ultra-réactionnaires d'Herbert, en particulier sa haine profonde des homosexuels. Tout ça n'est pas très passionnant, et avait déjà conduit à une première partie vaguement ennuyeuse, en dépit du brio technique et professionnel de Villeneuve.

Dune - 2ème partie a de nombreuses qualités, à peu près indéniables, en particulier dans son esthétique, remarquable : il est sans doute inutile d'en parler tant la force et la beauté des images, souvent originales, parfois même formidablement inspirées, sont reconnues par tous. Le scénario, quant à lui, échappe à ton manichéisme hollywoodien, mais également aux clichés "contemporains" d'un artificiel mélange des races et des genres : Dune - 2ème partie porte un discours résolument contemporain, mais qui ne sacrifie pas pour autant aux "modes", ni aux "modes de pensée" actuels, et cela vaut la peine d'être signalé.

Par contre il faut bien admettre qu'il est - en tout cas de notre point de vue -, difficile de supporter encore une fois près de trois heures devant un tel film : même en en ayant plein la vue, il est impossible de ne pas s'ennuyer un peu. La faute en revient avant tout au manque d'empathie que suscitent en nous les personnages principaux : Chalamet et Zendaya sont tous deux transparents, sans doute pas par faute de talent, mais bien parce qu'ils ont du mal à habiter des personnages qui sont avant tout des démonstrations théoriques au service d'un discours, certes ambitieux, mais finalement assez convenu : car avons-nous besoin de Dune pour réaliser l'horreur des jeux de pouvoir au sommet des gouvernements, ou le mensonge périlleux que représente la Guerre Sainte, efficace quand il s'agit de fédérer un peuple, mais au final totalement liberticide ?

En ce qui concerne l'interprétation, ajoutons que seules l'énergie jubilatoire déployée par Javier Bardem, et la noire aura d'Austin Butler (décidément un acteur incontournable) leurs permettent de ranimer un instant en nous une petite flamme.

Admettons toutefois que la dureté de ces commentaires est le résultat de notre fatigue devant ce cinéma dit "à grand spectacle", qui, même lorsqu'il est réalisé par un metteur en scène talentueux comme Villeneuve, nous semble un témoignage mortifère d'une forme d'Art cinématographique désormais dépassée.

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